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Le soir même, nous nous téléphonons discrètement. Avec le décalage horaire et le fait de ne pas avoir fermé l’œil, en ce qui me concerne, je n’ai pas les idées claires, mais je tiens le choc pour lui parler.

– Où elle est ? La mienne dort déjà…
– Sous la douche, je n’ai donc pas trop de temps. Elle n’aura pas de garde de la semaine, c’est rude… Je ne sais pas quand nous pourrons nous voir… J’ai trop envie !
– Et moi donc… Chaque jour j’ai pensé à toi, à tes yeux, à ton sourire, à ton corps… Je veux te voir, te toucher, te faire l’amour…
– Elle sort de la douche, je dois te laisser… Je t’appelle demain… Je t’aime mon artiste…

Encore une fois, je me sens au bord du gouffre. Cette situation ne peut plus durer ! Pour ma part, maintenant, je dois parler à Chloé. Ce sera difficile, mais mieux pour nous deux. Je n’aurai plus à jouer ce double jeu qui n’est pas bon pour moi du tout. Comment vais-je m’y prendre ? Doucement, ou clairement? Ce sera un peu brutal, mais mieux je pense. Que vais lui dire ? Je vais éviter le « il faut que je te parle… » En même temps, c’est le meilleur moyen d’aborder le sujet… En fait, le mieux est d’être honnête, de lui dire simplement que je ne peux plus continuer cette relation qui ne me convient pas ! Nous n’avons pas les mêmes attentes, pas la même vision des choses, donc pas d’avenir. De plus, entre sa famille et moi, cela n’ira jamais, et cette situation me pèse tellement que j’en deviens forcément désagréable avec elle… Plus j’y pense et plus je suis certaine que si jamais je n’ai été invitée chez ses parents, cela vient de son cher beau frère, qui est quelqu’un de détestable. Il a toujours été un parfait hypocrite, du moins, jusqu’à un certain point. Au cours d’une soirée, il est allé une fois de plus trop loin, et je ne les ai jamais revu depuis ce soir là, ni lui ni sa sœur. Et, force est de constater que jamais cela n’ira avec eux, et par conséquent, jamais je ne serais la bienvenue chez ses parents… Comme c’est important pour moi, et qu’après avoir tant espérer rien ne bouge, j’ai tourné la page il y a quelques mois, lors d’une ultime tentative d’aller chez eux. Après ce dernier refus plus qu’étrange, j’ai décidé d’abandonner… Ce que je ne savais pas à cet instant, c’est que j’abandonnais aussi mon histoire avec elle…

Le lendemain, je prends le taureau par les cornes… Je m’assois à côté d’elle et lentement commence à lui parler. Elle comprend immédiatement car nos relations ne sont plus vraiment bien depuis quelques temps. Je lui explique donc mes sentiments à son égard, que rien ne pourra me faire changer d’avis et lui dis que je viderai son appartement le plus vite possible.  Elle pleure beaucoup, je pleure aussi un peu car j’ai du respect pour elle, mais il est trop tard, d’autant plus depuis que je connais Anastasia… Je pars dormir chez moi, avec déjà un gros sac, car j’ai tout de même pas mal de vêtements ici. A peine arrivée chez moi, je fais part de ma rupture par téléphone à Anastasia. Elle savait, mais est bien entendu ravie.

– Dans deux mois, je la plaque et nous vendrons cet appartement. Ensuite, soit j’en prends un seule, soit tu m’héberges, soit on prend quelque chose ensemble.
– Etant donné la pénurie de logements je pense qu’au début tu pourras venir chez moi. Ensuite, on avisera… Je vais ramener mes affaires, mais cela risque d’être limite au niveau des rangements. Je vais essayer de trouver des solutions, ne t’inquiète pas.
– J’ai hâte et j’aimerais déjà la plaquer ! En plus elle me fait un rentre dedans pas possible et me fait des grandes déclarations… Elle me parle d’enfants aussi, alors que jusqu’à présent elle était totalement contre… Je ne comprends pas ce qu’elle a… Elle le sent, c’est certain.
– Tu ne vas pas changer d’avis dis moi ? J’ai fait tout un tas de scénarios futurs avec toi, et je crois que je… Je crois que je… Je t’aime.
– Chérie, moi aussi je ressens la même chose… Je t’aime, n’en doute pas ! Je n’ai pas l’intention se revenir en arrière, je te le promets. Laisse moi juste encore quelques semaines, et nous serons enfin ensemble tout le temps, sans devoir se cacher, mentir… J’arrive devant l’immeuble… Je te laisse. Je t’aime !
– Moi aussi mon amour. On se voit cette semaine ? Demain midi pour déjeuner par exemple ?
– Je t’appelle demain matin.

Cela devient de plus en plus difficile et frustrant ! Le lendemain, trop débordée, elle annule… Mon stress est à son apogée… J’ose espérer qu’elle ne va pas me jeter ! Ce serait le comble, maintenant que tout devient possible… Peut être est-elle effrayée… J’espère qu’elle ne va pas marcher dans la combine des enfants… Deux jours sans nouvelles… Là, je suis vraiment inquiète ! Je lui ai laissé trois messages, et rien, pas de réponse… Je décide de l’appeler à son bureau pour en avoir le cœur net ! Elle prétend ne pas avoir eu mes messages… Etrange ! Au bureau, elle est submergée de travail et n’arrive pas à avoir une seconde de tranquillité chez elle, Estelle n’arrêtant pas d’être collée à elle. Elle pense qu’elle a pu effacer mes messages et essaie par tous les moyens de la reconquérir… Cependant, elle sera de garde tout le weekend, et me propose donc de le passer ensemble. Quel soulagement… Je n’aurais pas géré du tout cette rupture.

Le vendredi soir, elle m’appelle pour me dire qu’Estelle s’est arrangée pour se faire remplacer ! Donc, elle annule le weekend. Je n’y comprends plus rien… Qu’est ce qui lui prend ? Je raccroche triste et perplexe… Aurait-elle changé d’avis à cause de ses promesses d’enfant ? Préférerait-elle le confort que peut lui apporter un médecin à une artiste ? L’aurais-je si mal jugée ?

Je reste chez moi tout le weekend a ressasser cette histoire, sans aucune nouvelle d’elle qui plus est… Je peins énormément… De grands tableaux très sombres, tout comme mon esprit.

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Tous les jours nous nous contactons, tous les jours nous mentons à nos conjointes respectives. Cette situation est extrêmement difficile. Je ne comprends pas comment les gens qui ont une double vie font… Vraiment, cela restera un mystère ! Nous nous voyons pratiquement tous les jours, soit après le travail, soit le soir chez moi, si sa copine est de garde, et parfois, entre midi et deux, pour manger ou de temps en temps chez moi pour faire l’amour. Mais, très rarement, car cela lui prend du temps, puisqu’il faut environ une demie heure par le tram pour faire un aller… Soit une heure de trajet, puis du temps pour nous.

Début septembre… Nous allons respectivement partir en vacances avec nos conjointes. Environ trois semaines sans se voir, se parler, se toucher… Un véritable déchirement en ce qui me concerne. Nous sommes ensemble pour la fin de journée et toute la nuit, car son amie est de garde jusqu’au lendemain midi. Une aubaine, sachant qu’il s’agit de la dernière nuit avant octobre.

– Je ne peux pas imaginer passer trois semaines sans toi. Je suis totalement accro Anastasia. Je n’en peux plus de cette situation, c’est trop dur, je ne vais pas y arriver…
– Pour moi aussi c’est difficile, crois moi…

Elle marque un temps d’arrêt, puis se relève à moitié, me regardant tendrement.

– J’ai pensé à quelque chose… En fait, pour vendre l’appartement, il faut environ deux à trois mois je pense. Donc, si je déduis ce temps, il ne reste plus que deux, voire trois mois en fait, avant que ne je la plaque… Comme nous partons en vacances, il ne restera finalement qu’un long et pénible mois avant d’être officiellement ensemble… Au pire, deux !
– Oui, c’est vrai… Mais c’est une torture à chaque séparation… Embrasse moi… Et ne t’arrête plus de la nuit… Notre dernière avant…

Je ne peux terminer ma phrase et me mets à pleurer comme une collégienne… Elle me serre dans ses bras, me caresse les cheveux, pleure aussi avec moi. Nous dormons très peu et faisons l’amour intensément. C’est beau, c’est bon, et ce sera inoubliable. Elle me quitte le matin, le cœur gros, nous pleurons à nouveau avant de nous dire au revoir. Elle part dans deux jours, la veille du Jeune Genevois, nous partirons le lendemain. Difficile donc de nous revoir d’ici là, et je pense qu’il est préférable que non.

Le jour du départ est arrivé pour Chloé et moi. Nous partons visiter l’ouest des états unis. Je pense que, malgré ma séparation provisoire avec Anastasia, ce voyage sera exceptionnel. En effet, nous allons visiter de splendides parcs, comme Arches, ou encore Zion. Anastasia et Estelle partent dans l’Est du Canada, pour visiter entre autres, Quebec ou Montréal. Du coup, nous n’aurons que deux ou trois heures de décalage, selon les moments du voyage. Elle est déjà arrivée, m’a envoyé plusieurs messages. Maintenant, nous montons dans l’avion et je ne serai plus joignable pendant une douzaine d’heures. Je lui dis à quel point je l’aime, qu’elle me manque terriblement… Je suis partagée… A la fois ravie de partir en vacances, et d’un autre côté triste d’être éloignée d’elle…

Le périple se déroule bien, et nous avons une chance folle avec le temps. Tous les jours, nous pouvons échanger, dialoguer, nous envoyer des photos, grâce au wifi des hôtels. Déjà une semaine de passée et elle me manque toujours un peu plus chaque jour. Je ne m’imagine plus sans elle. Je suis totalement amoureuse… J’irais même jusqu’à dire que je l’aime. De son côté, il fait bien sur un peu moins beau et chaud, et ses relations sont tendues avec Estelle, qui soupçonne qu’elle l ‘a trompée. Elle a de gros doutes, et qui plus est, Anastasia ne veut plus faire l’amour avec elle. Depuis le début de notre histoire, nous n’avons ni l’une ni l’autre pu par ailleurs. Chloé aussi sent que quelque chose ne tourne pas rond… Ceci dit, cela date depuis bien longtemps. Il faut arrêter de se mentir. Elle tente de me lancer des perches, mais je ne réponds pas, je reste vague… Pas facile de se sentir rejetée, ai-je envie de lui dire ! Maintenant, toi aussi tu sais ce que cela fait…

Une seconde semaine s’est écoulée, et toujours pas de sexe. Je n’ai pas envie… Du moins, pas d’elle. Pareil pour Anastasia qui a en plus eu plusieurs violentes disputes avec elle. Elle ne sait plus quelle excuse inventer pour ne pas avoir à coucher avec, mais elle continue d’essayer, en insistant lourdement qui plus est. Difficile pour elle de résister sous son poids, elle mesure environ un mètre soixante dix sept pour soixante quinze kilos, ce qui est largement plus qu’Anastasia, qui en fait à peine cinquante pour un mètre soixante. Quoi qu’il en soit, si elle dit non, l’autre n’a pas énormément de possibilités de faire quoi que ce soit.

C’est surprenant, car à la base, je ne me serais pas vue avec un petit bout de femme, mais en fait, je trouve que nous sommes parfaitement assorties du haut de mon mètre soixante quinze pour soixante huit kilos. Ma gourmandise m’a apporté quelques kilos en trop, mais cela ne semble pas la déranger. Elle aime que je sois légèrement moelleuse…  Je déteste lorsqu’elle me dit cela… Et surtout elle adore les grandes, et aime lorsque je porte des talons. Bref ! Autant de part et d’autre, nous nous plaisons, nous aimons être ensemble, nous aimons faire l’amour ensemble, et nous avons surtout la même vision des choses, sauf concernant les enfants. Elle en souhaiterait, moi pas… Ceci dit, elle a trente sept ans, et si elle en veut un, elle ne devrait pas trop tarder. Je me pose la question… Serais-je prête à sacrifier mon confort de vie par amour afin qu’elle puisse aller au bout de son désir ? Franchement, je ne le sais pas et vais éviter de parler de ce sujet…

Troisième semaine… Nous sommes presque au bout du voyage et j’ai pour une fois hâte de rentrer, pour la retrouver bien entendu. Elles arriveront le même jour que nous, et par le même vol pour Genève, via Zurich… Nous avions vérifié. Il va falloir être fortes afin de ne pas craquer, ne pas laisser entrevoir un quelconque sentiment, résister à la tentation de ne pas lui sauter au cou afin de l’embrasser… Mon dieu… Cela risque d’être périlleux.

Dernier jour, nous sommes sur le point de rendre la voiture, et nous allons embarquer dans deux heures en direction de Zurich. J’espère pouvoir dormir… Je rêve de voyager en business, car ces vols de retours me cassent complètement, mais le prix reste encore inaccessible et nous ferait faire trop de sacrifices. Il faudrait que je vende énormément de toiles si je voulais me l’offrir…

Douze longues et pénibles heures plus tard, nous arrivons enfin à Zurich. Mon cœur s’accélère lorsque je descends, car je vais probablement la voir. Son vol est arrivé un peu avant, et elle attend probablement vers la porte d’embarquement vers laquelle nous nous dirigeons rapidement, car nous n’avons que très peu de temps pour embarquer. Si nous avons le temps, je prétexterai d’aller aux toilettes… Elle m’y rejoindra probablement. Mon cœur est à la limite de s’extirper de mon corps lorsque je la vois, enfin ! Je lui souris discrètement, elle aussi. Par chance, ni l’une ni l’autre ne semble se reconnaître, tant elles sont égocentriques. Je laisse mon sac vers Chloé déjà accroché à son téléphone, puis me dirige vers les toilettes, et je vois qu’elle me rejoint. J’entre dans un wc avec elle et nous nous embrassons, nous nous serons fort. Heureusement, j’avais croqué un bonbon à la menthe avant… Quelle incroyable sensation ! Je suis au bord de l’évanouissement. Nous ne disons rien et restons dans les bras l’une de l’autre pendant un laps de temps assez long je pense. Nous nous éloignons de quelques centimètres, puis nous embrassons à nouveau. Je lui glisse à l’oreille qu’il serait plus sage de retourner vers nos conjointes officielles, non sans lui avoir à quel point elle m’a manqué.

A bord de l’avion Zurich/Genève, nous sommes sur la même rangée. Une véritable torture… Elle est a seulement deux malheureux petits mètres de moi et je ne peux pas la toucher, ni lui parler. Nos conjointes n’ont toujours pas fait le rapprochement avec la soirée, ni à l’exposition. Il faut dire qu’elles s’étaient royalement ignorées, et qui plus est, des heures de voyages changent quelque peu un visage… Nous voici enfin à Genève et nous attendons nos bagages. Je n’arrive pas à détacher mon regard du sien… Si cela continue, elles vont s’en apercevoir, c’est certain… Par chance, nos bagages sont arrivés et nous pouvons partir. Quelques minutes de plus et je courais vers elle !

Il faisait sombre comme dans un caveau, et alors qu’une douleur intense me saisissait la cheville droite, je reprenais doucement mes esprits. Bon sang, quelle chute ! Je me rendais tout à coup compte que Camille hurlait mon prénom. Mais que s’était-il passé ? J’avais l’impression que le ciel venait de me tomber sur la tête… Ah oui… Nous étions parties visiter une maison vers Menton afin de prendre des photos et des mesures pour de futures rénovations… Cette vieille bâtisse avait en effet vraiment besoin d’être remise en état, à commencer par les planchers. Architecte est finalement un métier à hauts risques ! Le regard dans le vide, j’ai rassuré mes compagnons de chantier, et surtout Camille.

–       Je vais bien, j’ai juste très mal à la cheville, mais j’ai peur qu’il faille malheureusement faire un petit détour par l’hôpital…Si tu pouvais juste venir m’aider s’il te plaît ?

A peine cette phrase terminée, la belle Camille passait la tête par, probablement ce qui devait être l’embrasure d’une porte il y avait fort longtemps ! La pièce était toujours très sombre et la poussière engendrée dans le fracas de ma chute n’arrangeait rien. On n’y voyait goutte !

Camille était en fait ma cheffe et accessoirement, la fille du patron… Lorsque j’ai commencé à travailler dans ce cabinet d’architectes, six mois auparavant, jamais je ne me serais doutée une seule seconde tomber sur la femme de ma vie. Enfin, si l’on veut, car les choses n’étaient bien entendu pas si simples… D’ailleurs, existe-t-il des histoires de lesbiennes simples ? Je ne le crois pas. Pour situer, son père n’était pas au courant que sa fille chérie, mise sur un piédestal, était lesbienne. A pratiquement trente- quatre ans et une vie sociale riche, cela me paraissait absolument incroyable ! Il était donc encore moins au courant qu’elle se faisait une de ses employées… Cette situation commençait par ailleurs à me taper sur les nerfs, car même si au début je trouvais cela excitant, j’aurais bien aimé avoir une relation normale et saine avec elle. Je l’aimais, c’est certain, mais je ne pourrais pas supporter cela éternellement. Cependant, elle n’assumait pas totalement et surtout avait peur de décevoir son père si fière de sa fille. Comme si être lesbienne pouvait le faire changer d’avis sur elle ! Quoi qu’il semblait un peu homophobe, du moins, j’avais pu le constater à plusieurs reprises à cause de certaines remarques plus que douteuses par rapport au mariage pour tous.

En attendant, c’est bien moi qui en bavais dans cette relation… Faire attention à tout ce que je disais lorsque j’étais au bureau, ne pas trop prendre partie pour elle lorsque les autres parlaient d’elle… Exercice très difficile pour moi, étant éperdument amoureuse d’elle. Comme il s’agissait de la fille du patron, forcément les gens étaient un peu jaloux et se permettaient de dire certaines choses, du style « oui, c’est la fille du patron, donc elle fait comme elle veut et elle arrive quand elle veut » ! Bien sûr, c’était si facile de lancer ce genre de critique ! Mais ils ne savaient pas à quelle heure elle partait le soir, mais également qu’elle travaillait souvent chez elle sur des dossiers. Je le savais, mais je ne leur disais rien, car je ne le pouvais pas… Cependant, je bouillonnais à chaque fois que la conversation prenait cette direction.

Camille était arrivée à ma hauteur et me serrait dans ses bras, tout en me glissant discrètement au creux de l’oreille qu’elle venait d’avoir la peur de sa vie lorsqu’elle m’a vu disparaître dans le sol qui s’était dérobé sous moi. Alors que j’étais au paradis dans ses bras, d’un coup elle m’a repoussé un peu violemment, car son père venait d’entrer dans la pièce, tout affolé.

–       Valentine, vous nous avez fait une belle peur ! Comment allez-vous ? Rien de cassé ?

–       Non, ça devrait aller… Inutile d’appeler une ambulance, je pense cependant que ma cheville doit être foulée, ou que j’ai une entorse, je ne sais pas trop… Mais une radio s’impose, je pense !

Nous sommes donc tous partis pour l’hôpital dans la voiture de son père en laissant tout en plan ici, la visite et les premières mesures par encore terminées. Camille et moi étions à l’arrière alors qu’un autre employé était assis sur le siège passager et j’ai pu constater que le regard de son père était souvent dirigé sur nous lors du trajet, comme s’il soupçonnait quelque chose. A chaque feu, à chaque ralentissement, ses yeux insistants se trouvaient dans l’axe du rétroviseur intérieur. Il ne disait rien, il n’y avait pas de musique… Un silence assourdissant régnait dans le véhicule.

Nous étions enfin à l’hôpital tandis que la douleur s’était dramatiquement intensifiée depuis ma chute. La cheville était gonflée, à tel point que j’ai été obligée de retirer ma chaussure, malgré le fait qu’il s’agissait d’un nu-pied, car les lanières commençaient à me couper le sang. Camille a congédié son père pratiquement dès notre arrivée, prétextant qu’il n’était pas nécessaire que tout le monde reste et que nous nous arrangerions pour rentrer… Chez elle ! Mais cela, il ne le savait pas.

Après trois heures d’attente, de radios et de discussions avec le médecin urgentiste, enfin, j’étais libre ! J’avais une splendide entorse, dixit le médecin… Splendide ! Je t’en ficherais moi ! Devais-je donc encadrer la radio et la mettre sur la cheminée ? Nous avons pris un taxi et nous nous sommes finalement rendues ensemble chez moi, puisque j’avais un arrêt de travail d’une semaine, et en cas de contrôle je devais être présente. Elle a heureusement décidé de passer la soirée et surtout la nuit avec moi. J’adore lorsque nous passons la nuit ensemble, enlacées comme si nous ne faisions plus qu’une, j’écoute sa respiration, je la regarde s’endormir tendrement dans mes bras après que nous ayons fait l’amour, puis je la rejoins dans les bras de Morphée, épuisée mais tellement heureuse et détendue.

Nous avions préféré nous faire livrer le repas, n’ayant ni l’une ni l’autre envie de cuisiner, il faut dire qu’elle n’était pas ce que je pourrais appeler une femme d’intérieur, bien au contraire, mais, qu’importe, ce n’était pas pour cela que je l’aimais, ni pour son compte en banque, mais pour son  humour, sa pertinence, son intelligence, sa façon de changer subtilement de sujet lorsque cela devient trop pénible pour elle, et bien entendu pour son physique. C’était par ailleurs la première chose qui m’avait séduite. Elle dégage quelque chose que je ne peux pas expliquer ni décrire, qui plus est, c’est très personnel et son charme fou ne va peut être pas fonctionner sur quelqu’un d’autre. Elle est légèrement plus petite que moi mais bien plus fine, chose que j’adore, sans pour autant être dépourvue de formes, ce que j’apprécie encore plus ! Ses cheveux longs bruns et raides, ses jolis yeux noisette me font littéralement craquer. Elle est aussi, tout comme moi, très féminine, critère primordial. Elle pourrait me demander n’importe quoi, je céderais. C’était d’ailleurs très surprenant, car jusqu’à présent jamais je ne m’étais sentie si vulnérable face à quelqu’un, et je n’aimais pas forcément cela, car pour moi, c’était une preuve de faiblesse, mais rien n’y faisait, j’étais à ses pieds. Heureusement, je crois qu’elle n’en jouait pas énormément et malgré tout, elle était également sous mon charme, ce qui rééquilibrait les choses, sinon, cela n’aurait pas été vivable pour moi.

Après une merveilleuse soirée suivie d’une non moins merveilleuse nuit, elle était partie travailler sans moi, me laissant à mon triste sort. Vivement que je sois sur pied ! M’étais-je dis tout en souhaitant en profiter pour me reposer, lire, et ne rien faire ! Parfois, c’est salutaire un petit break.

La semaine a défilé à la vitesse de l’éclair et en effet, rester un peu à la maison m’a fait le plus grand bien. Je me sentais fraiche et vaillante pour retourner au bureau. Camille a toutefois passé quelques nuits chez moi, sans pour autant m’envahir. Nous avions toutes les deux besoin de notre espace, et mon deux pièces sous combles, pas très grand, manque cruellement de rangements. La seule solution ultime pour nous serait de prendre un nouvel appartement ensemble, car nous avions trop nos habitudes dans nos logements respectifs. Idéalement, je nous verrais bien au centre ville d’Annecy, mais les prix sont exorbitants, qu’il s’agisse de location ou d’achat. Heureusement, comme nous sommes dans le métier, si un jour une belle opportunité s’offrait à nous, nous pourrions facilement la saisir. Encore faudrait-il que mademoiselle fasse son coming out auprès de ses parents. C’est tout de même fou et extrêmement frustrant de partager sa vie avec quelqu’un qui passe son temps à jouer un double jeu… Enfin, je me comprends, puisque nous ne partagions pas grand-chose, à part un lit assez fréquemment. Je m’en contentais, mais jusqu’à quand, je l’ignorais.

Cette première journée a été très fatigante et éprouvante pour ma cheville, à nouveau légèrement gonflée, malgré les béquilles et l’atèle, car j’avais toujours de la peine à poser le pied par terre. Durant cette interminable journée, Camille était d’ailleurs venue plusieurs fois dans le bureau afin de voir comment j’allais, très discrètement, comme à son habitude. Cependant, je la trouvais vraiment plus distante depuis quelques jours et à chaque fois que je lui parlais de nous et qu’elle le dise enfin à ses parents, elle bottait en touche, mais ces derniers temps avec plus d’agressivité. Elle semblait complètement bloquée par cela et j’avais peur que jamais elle ne fasse le pas. Comment se sortir de cette situation ? Je me sentais totalement impuissante et je voyais une issue négative pour moi, pour nous. Il n’y a pas de bonne formule au bonheur mais vivre cachées n’est pas une solution, malgré l’adage qui dit « pour vivre heureux, vivons cachés ». A force, c’est impossible et tellement frustrant. J’aurais tant aimé crier à quel point je l’aimais et que c’était elle la bonne.

Déjà la fin de la première semaine de reprise. Au bureau, Camille avait toujours eu une attitude différente qui me perturbait énormément, et je détestais cette facette d’elle, comme si le fait que tout le monde soit au courant s’apparenterait à la fin du monde. Sa façon de me parler, de se comporter, ne voulant tellement pas que cela se sache, elle devenait autoritaire et pratiquement imbuvable parfois. C’était fort désagréable, et dans ces moments-là, j’avoue que j’aurais voulu tout arrêter… Mais, je ne pouvais pas m’y résoudre, alors je subissais, en silence. Même mes collègues me disaient qu’elle me parlait mal, c’est dire ! Ce vendredi, elle était vraiment allée trop loin. J’ai donc décidé d’attendre la fin de la journée, que tout le monde soit parti pour aller m’expliquer avec elle. A peine dans son bureau, j’ai fermé la porte donc forcément, son attitude a changé, elle est devenue plus douce plus « Camille du weekend ou du soir ». Elle s’est approchée, m’a entouré le cou puis a posé délicatement ses lèvres sur les miennes. Un frisson m’a parcouru le corps et je l’ai serrée à mon tour. J’ai rapidement repris mes esprits, car ce n’était pas le but de cette petite intrusion. Un dialogue houleux s’en est suivi…

–       Camille, tu as vu comme tu m’as parlé tout à l’heure ? Il faut vraiment te calmer ! Les collègues m’ont dit que tu me parlais comme à un chien…

–       Mais, c’est pour que personne ne se doute, tu comprends ? M’a-t-elle dit en me regardant tendrement.

–       Non, maintenant, j’en ai marre de cette situation ! T’as pas à me parler comme ça, c’est clair ? La prochaine fois que tu le fais, je te roule une pelle devant tout le monde, je te préviens.

–       Mais, qu’est ce que tu me fais là ? A-t-elle rétorqué après avoir eu un mouvement de recul… Je t’avais bien dit avant qu’on démarre notre histoire que personne n’est au courant ici et que je veux rester discrète. Tout cela ne regarde personne.

–       Oui, surtout ton père… Pourquoi tu fais un tel blocage ? Je ne comprends pas… Qu’est ce qui t’inquiète ? T’as peur qu’il te déshérite ou qu’il te vire ? Franchement, pour ma part j’en arrive à un point où la situation me pèse trop. Donc, soit on arrête là, soit tu mets les choses au point avec lui.

–       C’est une menace ? Je te préviens, il est hors de question que je dise quoi que ce soit. Donc, parfait ! Si tu veux jouer à ce petit jeu, on arrête tout. Mais, il faudra que tu ailles bosser ailleurs, parce que ce sera impossible pour moi de te voir tous les jours sachant que c’est fini entre nous.

–       Mais, Camille, c’est dingue ! T’es prête à foutre en l’air une relation qui est géniale sous certains aspects, juste pour que ton petit secret soit préservé ? Alors, tu ne m’aimes pas, c’est impossible…Tu me demandes en plus de démissionner ?

–       C’est faux, je t’aime vraiment et je ne veux pas que tout s’arrête, mais je ne suis pas prête à faire le pas, désolée si tu ne le comprends pas, et pour moi, la discussion est close, d’autant que j’ai encore un dossier à terminer avant de rentrer chez moi… et seule ! J’ai pas envie que tu viennes ce soir.

Elle avait délibérément appuyé sur le « seule » afin que j’aie bien intégré que ce soir là, ce serait nada ! Logiquement, tous les weekends nous étions ensemble. Qu’à cela ne tienne, je suis partie en secouant la tête, sans même lui dire au revoir… Qu’est ce que l’on peut être stupide parfois… A peine arrivée chez moi, je n’ai pas pu m’empêcher de tourner en rond et de ressasser notre petite dispute. Si nous décisions d’arrêter de nous voir, je ne le supporterais pas, mais d’un autre côté, je me sentais incapable de continuer une relation qui n’avait pas de sens si l’on ne pouvait pas s’engager, et j’avais envie de le faire avec elle. Vivre à deux, que nous soyons fusionnelles et pourquoi pas acheter un appartement ensemble, voire idéalement se marier. J’aurais tant aimé… Une telle divergence de point de vue ne pouvait qu’aboutir à une rupture, à mon grand désespoir.

Devais-je lui téléphoner ? Devais-je attendre qu’elle m’appelle ? Je ne savais plus quoi faire. La sonnette qui a retenti à cet instant m’a enlevée à mes pensées existentielles. C’était elle… D’habitude, elle rentrait puisqu’elle avait mes clés, mais suite à cette dispute, elle n’avait pas osé. Nous nous sommes assises sur mon canapé, puis, enlacées et nous avons parlé de cette situation ubuesque. Elle ne voulait pas que son père soit au courant, car après avoir tellement attendu, elle ne savait plus comment aborder le sujet. Rien à faire… Le pire, c’est qu’il s’en doutait certainement, il était loin d’être stupide, et vue la manière avec laquelle il nous a regardées dans la voiture… Avec cet air suspicieux et un peu inquiet qu’un père peut avoir lorsqu’il s’agit de sa fille. De plus, il avait maintes fois essayé de la présenter à d’autres architectes, hommes bien entendu, du moins, c’est ce que je me suis laissé dire, car c’était avant mon arrivée… Il avait abandonné cela il y a plus d’un an à priori, ce qui pouvait laisser supposer qu’il savait. Tous ces non-dits étaient très mauvais.

Nous ne sommes pas arrivées à un compromis satisfaisant et avons donc décidé de faire une pause, à mon très grand désespoir. Nous étions en septembre, mais il pleuvait tellement abondamment que nous aurions pu être en novembre, ce qui ajoutait encore un peu plus de déprime à mon état. Désespérée, j’ai pleuré tout le reste du weekend, n’arrivant même pas à manger. Je n’avais qu’une envie, prendre ma voiture et la rejoindre chez elle. Elle vivait à la lisière d’Annecy et de Cran-Gevrier, alors que j’étais à l’opposé, sur les hauteurs d’Annecy-le-Vieux. Mais il ne fallait pas que j’y aille. Je devais tenir bon et peut être la faire plier. C’était bien à elle de faire un effort dans cette affaire, puisqu’elle voulait cacher la vérité aux yeux de certaines personnes. Franchement, vue la taille de cette ville, ce serait impossible de rester cachées.

J’ai tenu bon le reste du weekend, mais j’ai eu une appréhension en allant me coucher le dimanche soir… Demain, je serai au bureau, avec elle, mais sans elle… Comment tout cela allait finir ? D’autant plus que je n’avais absolument pas envie de changer d’entreprise… J’aimais travailler ici et nous avions plein de projets de rénovations  intéressants en cours ou à venir. De plus, je n’étais ici que depuis un peu plus de six mois, période bien trop courte pour être crédible sur un CV. Il allait donc falloir cohabiter tout en restant distantes, d’autant que nous travaillions très souvent ensemble.

Comme d’habitude, j’étais au bureau avant elle, puisqu’en général, elle commençait vers neuf heures, alors que nous étions tous censés être ici vers huit heures et demie. Neuf heures cinq, la porte d’entrée a claqué… Certainement elle, un peu énervée de bon matin… Tout cela ne présageait rien de bon ! Elle a lancé un bonjour froid et rapide tout en passant dans le couloir. Un silence de plomb s’est installé dans le bureau, à tel point que nous aurions pu entendre voler une mouche. Nous étions quatre à le partager. Il y avait Carole, avec qui je m’étais toujours très bien entendue et à qui j’avais souvent eu envie de me confier, puis, Sébastien, clairement homo, et il ne s’en était jamais caché ! Nous nous entendions bien, et j’avais aussi envie de lui dire… Mais, je n’ai jamais osé à cause de Camille, bien entendu. Et enfin, il y avait Hervé, qui lui était un peu sur sa planète et avec lequel nous nous entendions moins.

Camille est arrivée dans le bureau une bonne heure après nous avoir à peine dit bonjour, avec toute une série de plans à rentrer dans le logiciel. Elle me les a tendus, car les autres étaient déjà sur des projets depuis la semaine dernière. Elle était livide et avait les yeux légèrement rouges et gonflés, certainement la raison pour laquelle elle portait ses lunettes, qui lui donnaient par ailleurs un air bon chic bon genre que j’appréciais énormément. Je l’ai trouvé tellement sexy que j’ai eu envie de balancer les plans, de la serrer dans mes bras et de l’embrasser. Mon dieu, j’étais définitivement amoureuse de cette fille. Cela deviendrait probablement une véritable torture de travailler avec elle tous les jours sans pouvoir l’approcher à nouveau.

Durant toute la semaine nous nous étions croisées, mais ignorées. Elle avait changé d’attitude et ne me parlait plus comme à une moins que rien, ce qui était plutôt agréable. Cependant, je me sentais désespérée, au bord du gouffre et j’avais finalement commencé à chercher du travail ailleurs, même si cette idée ne m’enchantait guère.

Deux semaines… Deux longues semaines sans l’approcher ou la toucher et sans quasiment lui parler. Une véritable torture. Je n’en pouvais plus… En plus, nous avions une réunion planifiée, toutes les deux, afin de parler du dossier en cours, et je craignais le pire… J’avais minutieusement tout revu, afin de ne pas perdre du temps et ainsi faire en sorte que la réunion soit écourtée, certaine qu’elle ne souhaiterait pas non plus tergiverser inutilement.

Nous y voilà ! Je me sentais mal… Mon cœur s’emballait à mesure que j’approchais de son bureau. J’ai frappé, puis je suis entrée. Elle était au téléphone mais m’a fait signe de m’asseoir autour de la table prévue pour les réunions. Sa conversation venait de se terminer et je sentais qu’elle s’approchait lentement. Tout en s’asseyant, elle a posé son ordinateur portable tout en prenant soin d’éviter mon regard, j’en ai fait de même… Son parfum a envahi mon espace et je me suis perdue dans mes pensées, nous revoyant faire l’amour… Ma poitrine s’est tout à coup serrée et je me suis sentie oppressée comme rarement. Nous avons commencé à discuter des plans pour lesquels rien n’était à redire puis avons continué sur la suite des événements. Tout cela a été extrêmement difficile, mais nous avons réussi enfin à terminer sans trop se regarder. D’un coup, je ne sais pas ce qui m’a pris, j’ai tout lancé sur la table, et je l’ai plaquée contre le mur… puis j’ai commencé à l’embrasser dans le cou, elle ne m’a pas repoussée, je suis ensuite remontée vers sa joue, elle ne m’a pas repoussée non plus, nos lèvres se sont frôlées délicatement, puis nous nous sommes embrassées à pleine bouche. Après quelques minutes d’échange intensif d’ADN, je me suis reculée ! Mais, qu’est -ce que je venais de faire ! Tout cela ne servait à rien, elle ne voudrait pas pour autant en parler à son père ! Qu’est-ce que je croyais… Que tout à coup elle allait me prendre par la main, traverser le bureau et aller annoncer nos fiançailles à son père ? C’était une cause perdue d’avance… Tout en reprenant mes esprits et mes affaires, j’ai pris congé d’elle en m’excusant et en regardant le sol. Mais, elle m’a retenue par la manche de mon chemisier.

–       Attends, m’a-t-elle dit d’une voix fébrile… Tu me manques. Je ne sais pas si je vais tenir comme ça longtemps. Soit tu pars, soit on recommence.

–       Comme avant ? Passer mon temps à mentir, non merci… Je tiens vraiment à toi Camille, mais j’avoue que je ne veux plus de cette situation, même si j’ai le cœur brisé en mille morceaux. Je préfère partir dans ce cas.

–       Non, s’il te plaît ! Réfléchis à tout ça, avant de démissionner et de m’oublier… Je ne veux pas te perdre. Je t’en prie Valentine !

–       Tu es prête à en parler à ton père ?

–       Non… Ne me demande pas ça…

–       Très bien, dans ce cas, je crois qu’on a fait le tour de la question… Comme je ne trouve pas de job et que cela risque de prendre du temps, tu n’auras qu’à me virer !

Je me suis à nouveau dirigée vers la porte, mais elle m’a barré le passage en me disant qu’il était hors de question qu’elle me vire ! Sous quel prétexte ? Je crois que ce n’était pas mon problème, et je me sentais tellement au fond du gouffre que cela m’était égal… Je voulais juste tirer un trait, tourner la page, et je ne voyais pas d’autre solution que celle-ci, m’éloigner à tout prix… Elle a commencé à hausser le ton, m’a pris mes affaires des mains et a reposé le tout sur la table. Elle s’est mise à crier, j’ai donc été obligée de crier aussi pour me faire entendre. Nous nous sommes retrouvées à quelques centimètres l’une de l’autre et la tension avait atteint son paroxysme. Elle m’a fixée tout en continuant de me crier dessus, en me disant que j’étais immature et que la situation était tout à fait normale, que tout allait parfaitement bien avant que je fasse une fixation sur tout cela… Je lui ai rétorqué que la seule personne immature dans cette pièce, c’était elle ! Ne pas oser dire à son papa à pratiquement trente-quatre ans que tu es lesbienne relève du ridicule ! N’ayant pas apprécié cette dernière remarque, elle s’est à nouveau mise à crier.

–       Tu commences à me gonfler avec ça ! Arrête de me rabâcher que je dois le dire à mon père ! Ce ne sont pas tes affaires…

–       Comment ? Pas mes affaires ? Si justement, dès l’instant où je suis avec toi, en couple, je crois que ça me regarde !

–       Tu me gonfles…

–       Tu l’as déjà dit

–       T’as autant envie que moi…

–       Plus encore…

Et à nouveau, l’une et l’autre nous avons foncé l’une sur l’autre et nous sommes embrassées comme des folles au milieu de la pièce…

Tout à coup, la porte s’est ouverte et le père de Camille est entré, à peine surpris, en disant à sa fille, « ah, enfin… Je me demandais quand tu allais te décider à m’en parler ma chérie ! Je vous laisse… »

Nous nous sommes regardées en silence puis avons pris un énorme fou rire tout en nous enlaçant !

Comme quoi, il était vraiment inutile de cacher la vérité, car les gens sont loin d’être stupides… Son père devait se douter de tout depuis bien longtemps, j’en étais persuadée, et j’en voulais pour preuve sa façon plus que suspicieuse de nous regarder dans la voiture lorsque nous étions allés à l’hôpital ! De plus, je pense qu’il n’attendait que cela… Que sa fille se confie, parle… Autant l’un que l’autre, ils avaient du mal à communiquer… 

Parfois, il serait si simple de dire les choses…

 

6

Ce vendredi a été le plus long de l’histoire des vendredis… Je ne pense plus qu’à elle depuis mardi, mais je dois dire que cette journée a été terrible pour la concentration. Je n’ai pu faire qu’une toile, et encore, je ne suis pas totalement satisfaite. Elle manque d’équilibre. Trop de rouge, pas assez de Jaune, mais je n’en veux pas trop non plus… Ah ! Impossible de terminer aujourd’hui… Je verrais cela lundi. Je dois encore me changer, puis l’attendre, puisque nous prendrons sa voiture, une Audi S3, ce qui n’est pas pour me déplaire ! Mon sac est déjà près, et moi aussi… Je trépigne d’impatience ! Elle part de chez elle et mettra certainement un certain temps avant de me rejoindre, à cause des bouchons. J’avais donc largement le temps, mais tant pis… J’en profite pour envoyer un message à Chloé, qui finalement a prévu quelque chose de son côté, de cette manière je culpabilise moins. Je pense qu’elle n’a pas été dupe, étant donné la tête qu’elle a fait lorsque je lui ai annoncé que je ne viendrai pas chez elle du weekend.

Si elle s’en doute, pourquoi ne me dit-elle rien ? Pourquoi ne se bat elle pas pour moi ? Je pense qu’elle ne m’aime pas au fond… Lorsque l’amour est fort, tu essaies par tous les moyens de garder l’autre, ou de la conquérir si tu n’es pas encore en couple ! Cela me parait une évidence, et force est de constater que Chloé reste plus que passive face à cette situation… Je ne la comprends définitivement pas, et j’en suis à me demander comment j’ai pu rester aussi longtemps avec elle.

Nous y sommes… Anastasia vient de m’envoyer un message pour me dire qu’elle va arriver d’ici quelques minutes. Je prends mon sac, et je vais en bas afin de ne pas la faire attendre. La voici dans sa belle voiture noire. Je mets le sac dans le coffre, puis m’installe côté passager. Nous nous embrassons très longuement avant de partir pour Annecy et ce weekend probablement mémorable.

Après quasiment une heure et demie de route, pénible à cause des bouchons du weekend, nous arrivons enfin chez ses parents. Le portail s’ouvre sous l’impulsion de la télécommande, puis nous entrons sur le parking et enfin dans le garage. La maison est située au bord du lac. L’entrée côté route n’offre rien d’exceptionnel, en revanche, l’autre côté est à couper le souffle… Une splendide vue sur le lac, un accès direct avec un ponton, vraiment splendide ! Il y a en plus un jacuzzi, et j’adore cela.

Les sacs sont déjà dans sa chambre et nous décidons de profiter immédiatement des bulles d’eau chaudes. Je n’ai pas de maillot de bain… Elle se met à rire lorsque je lui en fais part, puis se rapproche de moi, en me disant que je n’en aurai certainement pas besoin… Elle m’embrasse tout en déboutonnant mon pantacourt, puis le fait glisser sur mes jambes. Je lui retire le haut puis lentement, son soutien gorge. Je tremble énormément. Nous allons nous voir nues pour la première fois et allons certainement faire l’amour après le jacuzzi. Elle est parfaite… Mince, pas un poil de graisse, parfaitement épilée, nous nous sourions, elle me prend la main en me disant que je suis belle, qu’elle aime mon corps, puis nous entrons dans le bain à bulles pour une vingtaine de minutes. C’est très chaud, et je ne parle pas iniquement de la température de l’eau… Elle s’approche lentement de moi puis se met en amazone sur mes jambes, me fixe avec une intensité incroyable, puis se jette sur mes lèvres. Nous nous embrassons telles deux sauvages n’ayant pas eu de sexe depuis des lustres…

Nous sortons du bain puis passons sous la douche avant de disparaître dans sa chambre, toujours en bouche à bouche. C’est le moment tant attendu et tant redouté à la fois, puisqu’elle et moi d’une part n’avons pas couché avec une autre fille depuis des années et d’autre part une première fois avec quelqu’un est toujours un peu stressant. Nous continuons à nous embrasser sans oser aller plus loin. Je suis dans un tel état qu’il faut que je le lui dise…

– Es tu aussi tendue que moi ?
– Oui, plus encore je crois… Tu vois comme je tremble ? C’est la première fois que quelqu’un me met dans un tel état je crois…
– Je te propose de commencer par des massages… Tu veux bien ? Je suis certaine que le stress s’estompera…
– Je ne sais pas… J’ai tellement envie que je ne veux pas attendre… J’en rêve depuis une semaine ! Mon artiste, me dit elle en me poussant sur le lit, puis en se mettant sur moi.

Soudain, elle me regarde et baisse les yeux… Ah ! T’as raison en fait… J’ai la trouille aussi… Allons-y pour un massage ! Puis, elle joint l’acte à la parole en se mettant sur le ventre afin que je la caresse, car peut on parler de massage dans ce genre de situation ? Je ne le crois pas…

Lentement, je fais glisser mes mains chaudes sur ses épaules, en effet très tendues, puis la caresse délicatement. Prenant tout mon temps, afin de faire baisser mon stress, et de découvrir son corps, je me rends compte que sa peau est d’une douceur extrême, et d’une pâleur magnifique. J’en profite pour poser délicatement mes lèvres à chaque étape et elle semble apprécier. Maintenant vers le bas de son dos, je fais glisser subtilement mes mains vers le haut de ses fesses, puis m’y attarde. En fond musical, de la musique douce, comme Craig Armstrong, entre autre, parfait pour l’occasion. Mes mains sont maintenant sur ses fesses et je m’allonge à côté d’elle, posée sur mon coude droit, ma bouche sur le creux de son dos, je fais glisser ma main gauche le long de son corps. Elle me regarde, me sourit puis se retourne. Toujours sur mon coude, ma main droite est maintenant sur son entrecuisse, et je commence à la caresser, tout en l’embrassant sur le ventre, sur ses seins si parfaits, vers son cou, puis nos lèvres se confondent. Enfin,  je suis en elle et descend lentement entre ses jambes pour lui faire l’amour. J’aime son odeur, son goût, tout en elle me plaît… Je suis en pleine effervescence et lui fais l’amour avec une très forte intensité, elle gémit, puis crie… Je remonte tranquillement l’embrasser dans le cou. Le souffle encore court, elle me glisse dans le creux de l’oreille que j’ai mis la barre très haut. Nous nous embrassons, puis à son tour, elle me fait l’amour. Une vague de plaisir me submerge… Je suis au nirvana et jouis comme rarement avec autant de force. Pour une première fois c’est tout simplement extraordinaire. Enlacées, emmêlées même, nous nous sourions. Inutile de dire quoi que ce soit tant ce fut bon. Nous finissons par nous assoupir avant de reprendre de plus belle avec nettement moins d’appréhension et plus d’assurance.

Nous faisons l’amour quasiment toute la nuit, ponctuée de quelques séances de sommeil réparateur. Nous n’avons même pas pris le temps de manger. Je suis tellement bien dans ses bras, c’est fou ! Je ressens une telle plénitude que je pourrais mourir là, tout de suite.

Le lendemain matin, nous sommes réveillées par les rayons du soleil qui illuminent la chambre à travers les volets restés entre-ouverts. Je ne veux pas me lever, je veux rester dans son lit et recommencer à faire l’amour. Mais, nous avons faim toutes les deux, car nous avons sauté le repas du soir… Nous nous levons donc finalement, après toutefois un dernier round, ou plutôt, le premier de la journée… Nous prenons le petit déjeuner sur la terrasse complètement cachée de tout regard indiscret. Les yeux dans les yeux, nous dévorons les tartines, avalons un bol de café au lait, puis repartons directement dans la chambre après un passage éclair dans la salle de bain pour un brossage de dents… Et une douche. Un minimum après une telle nuit…

Toute la journée a été rythmée par le sexe, les discussions, de belles rigolades, quelques allers et retours dans le frigo pour des boissons fraîches, et quelques fruits afin de ne pas rester l’estomac vide. Elle veut que je lui parle de mes peintures. Cela semble vraiment la passionner. Le soleil commence déjà à disparaître et nous sommes toujours dans son lit tandis que je lui explique comment je m’y prends pour peindre, les techniques et surtout d’où me vient mon inspiration. Nous n’avons pratiquement pas quitté sa chambre  tellement nous sommes attirées l’une par l’autre. Nous décidons toutefois d’aller manger, puis ensuite, nous irons sous la douche avant un jacuzzi, suivi à nouveau d’une douche. Une heure plus tard, nous voici à nouveau dans son lit pour un nouveau corps à corps torride. C’est reparti pour une nuit probablement identique à la première.

Le lendemain, nous sommes épuisées, mais heureuses. Ses parents sont censés rentrer dans l’après midi, nous ne traîneront donc pas au lit trop longtemps. Vers treize heure, nous nous douchons, nous habillons pour la première fois depuis vendredi soir, puis commençons à charger sa voiture, lorsque le portail s’ouvre. Elle semble un peu surprise, ne pensant pas les voir, et surtout, ne pensant pas devoir donner une quelconque explication quant à ma présence ici…

Sa mère sort de la voiture, une splendide Audi S5… Cela tient certainement de famille… Tous en Audi S ! Elle embrasse sa fille et lui dit sur un ton limite ironique « Salut, surprise de nous voir ? Tu ne nous présentes pas ? … Dans ce cas, je vais me présenter… Bonjour, Carole, la mère d’Ana »

Anastasia, un peu gênée fait alors les présentations, puis leur demande pourquoi ils sont rentrés si tôt…

– Il n’y avait rien à faire de bien, et après avoir visité maintes fois le village, par une chaleur écrasante, nous ne rêvions que d’une chose ta mère et moi, nous baigner ! Ajoute mon père. Au fait, elle est bonne ?
– Pardon ?!
– Ton père faisait allusion à la température de l’eau chérie, ajoute sa mère, avec un très large sourire… Alors ? Cette température ?
– Hum… Oui, je dois dire que… Oui, enfin qu’elle est très bonne… Enfin, bonne quoi…

Anastasia se met à rougir comme une pivoine. Il parait évident que nous ne savons pas quelle est cette température, mais sa mère, semblant très amusée par cette situation en ajoute une couche en me demandant ce que j’en pense. Anastasia agacée met le holà en disant au revoir à ses parents, puis monte à bord de sa S3. Je les salue à mon tour, puis grimpe à côté d’elle. Elle démarre et nous prenons la route en direction de nos vies respectives. Tout le début du trajet est formidable, nous rions de cette situation plus que cocasse, mais à mesure que l’Audi avale les kilomètres, nous réalisons que nous allons devoir nous quitter. Cette pensée me rend triste et me provoque  d’énormes pincements au cœur.

Nous voici en bas de chez moi. Il est à peine seize heures et nous n’avons ni l’une ni l’autre envie de nous quitter… Viens un moment chez moi lui dis-je ! Non, car après ce sera encore plus dur de partir me répond-elle. Je la prends dans mes bras et lui dis au creux de l’oreille à quel point ce weekend était fabuleux. Nous nous embrassons.

– Franchement, je ne sais pas si je vais tenir six mois comme ça… J’ai envie de tout envoyer balader, de rompre, et de solder cette hypothèque de malheur…
– Tu dis ça, mais tu sais bien qu’il n’y a pas d’autre solution pour l’instant. Moi aussi j’ai envie de faire pareil… Mais il est trop tôt. Puis il y a nos vacances… Ce serait un peu cruel.
– Mais, je ne peux même pas imaginer coucher avec Estelle, et t’imaginer le faire avec elle me donne la nausée.
– Mon amour… Pour moi aussi c’est une véritable torture… Je ne sais pas quoi te dire… Sauf que quoi que tu décides, je te suis !

Nous restons enlacées de longues minutes dans sa voiture à écouter sa musique, qui pourrait sortir directement de mon iPhone ou de mon iPod, tant nous avons des goûts musicaux similaires. Il est maintenant dix sept heures trente et il est temps pour elle de rejoindre son appartement. Un dernier baiser, un ultime regard, je récupère mon sac dans le coffre, puis elle démarre rapidement. Quel weekend !

5

Le mardi soir, je sors de la galerie assez tôt afin de rentrer chez moi pour me refaire une beauté et me changer.. Heureusement, j’habite près de la douane, et je prends le tram pour aller travailler, je ne subis donc pas les bouchons. Je mets un joli pantacourt qui me met en valeur, un haut très sexy, une dernière retouche maquillage et c’est parti ! Je reprends le tram pour le centre ville. Nous nous sommes données rendez vous en face de la gare. Mon cœur s’accélère à sa vue. Elle est vraiment très belle je trouve, j’irais même jusqu’à dire renversante… en tout cas à mon goût. De plus, nous avons seulement six mois d’écart. Elle vient d’avoir trente sept ans et je les aurai à la fin de l’année, étant toute les deux de mille neuf cent soixante quinze, elle du six juin, et moi du huit décembre. C’est parfait… Tout est parfait, presque trop pour être réel ! Spontanément attirées l’une par l’autre elle vient dans mes bras et je l’entoure tendrement.

Nous allons prendre un verre en terrasse. Nous continuons de faire connaissance, de parler de tout de rien, de notre enfance, de notre adolescence, de nos attentes. Elle est, tout comme moi, fille unique, et est née à Genève, contrairement à moi, qui suis née à Ambilly. Ses parents sont toujours mariés, les miens ont divorcé lorsque j’avais dix sept ans. Mon père est parti vivre à New York avec une américaine de vingt ans de moins… Un vrai coureur… Ma mère est restée dans la région, vit seule mais a un ami avec lequel elle partage ses loisirs, ne souhaitant plus vivre avec quelqu’un. Ses parents vivent au bord du lac d’Annecy, ou ils y passent leur retraite. Ils ont soixante ans environ, et profitent de la vie, voyagent beaucoup. Elle bénéficie souvent de la maison, puisqu’ils lui laisse lorsqu’ils partent. Justement, elle rebondit sur cela alors que nous partons pour le restaurant. Ce weekend, sa copine part visiter sa famille vers Neuchâtel, et elle ne souhaite pas l’accompagner, préférant profiter de la maison vide du vendredi au dimanche. Mon dieu… Cela veut dire que nous serons enfin seules pour le weekend. Tout un tas d’images plus que torrides me viennent à l’esprit… Bien entendu, de mon côté il faut que je trouve un prétexte pour m’éclipser tout le weekend…

– Je vais trouver, ne t’inquiète pas… Je compte bien passer ce weekend en ta compagnie. Je ne sais pas encore comment, ou quoi dire, mais j’ai déjà une petite idée… Je dirai à Chloé que je dois peindre tout le weekend pour l’expo de la semaine suivante. J’ai besoin d’être seule pour créer. En plus, avec un peu de chance, elle aura quelque chose de prévu de son côté, comme il lui arrive souvent !
– J’y compte bien… J’ai vraiment envie que tu viennes … J’avoue que je serais très déçue, c’est une occasion unique, parce qu’elle ne va pas souvent les voir, donc, cela ne se reproduira pas avant longtemps. Parfois, j’y vais sans elle, mais genre pour une nuit… Soit elle m’y rejoint, soit je rentre.
– Dès ce soir, j’envois un message à Chloé, et je lui explique le problème. De toute manière, c’est une moitié de mensonge, puisque je suis vraiment en retard… Il me manque encore trois toiles.
– J’ai vraiment hâte de voir cette expo, tes toiles… C’est toujours de l’abstrait ?
– Oui, je m’inspire beaucoup de Rothko, de Kandinsky, et de Pollock qui sont pour moi les meilleurs dans le domaine… Après, c’est une histoire de goûts.

Nous nous sourions, tout en passant la porte du restaurant, proche du bar afin de ne pas reprendre les transports en commun. Maintenant assises, nous nous regardons à nouveau très tendrement. Mon dieu, je pense que je suis totalement amoureuse de cette fille, n’ayant jamais ressenti de telles choses, qu’elles soient physiques ou mentales. C’est drôle, car juste à cet instant de ma réflexion, elle me dit à peu de choses près, la même phrase…  Je suis vraiment chanceuse de l’avoir croisée sur mon chemin.

Déjà presque dix heures… Je tente de lui proposer un dernier verre chez moi, mais elle doit se lever tôt demain et préfère être prudente, et attendre samedi que nous soyons dans la maison à Annecy… Avec un beau sourire, un peu espiègle, comme samedi dernier lors de nos premiers échanges. Nous nous disons donc au revoir en nous embrassant discrètement, mais sur la bouche tout de même… Je grimpe dans le tram, et disparaît pour rejoindre mon appartement. Quand même, je l’aurais bien ramenée chez moi, j’avoue, mais qu’importe, ce weekend, nous serons seules et nous ferons certainement tout ce dont je rêve depuis samedi…

4

Je n’ai pas de nouvelles d’elle le reste de la soirée, mais le lendemain dès qu’elle arrive au bureau, elle m’envoie des whats app, et tout en s’excusant de ne pas m’avoir contactée avant, me dit qu’elle a passé une merveilleuse journée, et espère qu’il y en aura beaucoup d’autres ! Quelle chance j’ai… J’en profite pour lui dire que moi aussi j’ai vraiment apprécié la journée, et également ce baiser, qui m’a procuré une vague de chaleur, une soudaine apparition d’une multitude de frissons… Je ne lui dis pas cela, de peur de la faire fuir, car tout cela est très rapide je trouve, et parfois, certaines filles ont peur que tout se déroule aussi vite.

Je poursuis en lui disant que j’ai hâte d’être mardi soir pour notre second rendez vous. Nous irons tout d’abord boire un verre au centre, puis je propose un restaurant qui fait des sushis absolument fabuleux, le nagomi, qu’elle connait et adore aussi. En plus elle ne mange pas de viande, donc connait tous les sushis et restaurants qui proposent des plats végétariens. Une végétarienne… Moi qui adore la viande ! Je suis cependant certaine que cela ne posera aucun problème. Je ne sais pas pourquoi la plupart des lesbiennes se font un trip végétarien ! Il y en a en effet énormément.

Tout le reste de la journée est une torture pour la concentration… Je ne pense plus qu’à elle et à ce qu’il pourrait se passer et n’arrive même pas à peindre. En même temps, sa copine n’est pas de garde toute la nuit, et quand bien même, je ne me verrais pas faire quoi que ce soit chez elle. Peut être dans mon appartement… Mais il faudrait aller en France voisine. Au pire, si elle n’a pas de voiture, je la raccompagnerai ! Voyons déjà comment les choses se déroulent mardi avant de faire des plans sur la comète et de prévoir toute cette logistique… Parfois, je réfléchis trop ! C’est paradoxal, étant une artiste, je ne devrais pas être comme cela. Ce côté rigide de ma personnalité m’agace, et en agace d’autres par ailleurs ! J’aimerais le gommer.

Entre temps, je commence à réfléchir à mon couple… Seules trois solutions s’offrent à moi, ce qui finalement n’est pas si mal… La première, en toute logique, serait de rompre purement et simplement… Sauf que nous avons un voyage prévu ensemble en septembre, dans l’ouest des états unis… Du coup, si je décide d’arrêter, nous  risquons de perdre ce voyage déjà payé, ce qui ne m’enchante pas vraiment… Et je ne voudrais pas être trop brutale, car j’ai du respect pour elle, même si nous prenons une direction différente dans nos choix.

La seconde solution, lui parler afin de trouver un compromis, mais j’avoue que cette option n’est plus vraiment dans mes attentes, car j’ai déjà pratiquement tourné la page, et je n’éprouve malheureusement plus tellement d’attirance pour elle, sans doute parce que je n’ai pas l’impression qu’elle m’aime. Oui, cela peut paraître étrange, mais étant donné son manque d’engagement, et sa persistance à ne pas vouloir révéler à tout le monde que nous sommes en couple, j’ai fini par me persuader qu’elle restait avec moi par peur d’être seule, ou quelque chose dans ce goût là… Et ses « je t’aime » n’y changent rien, pour moi, elle ne peut pas m’aimer. On ne traite pas la personne que l’on aime de cette manière, c’est impossible… Nous ne sommes plus un couple depuis bien longtemps, il s’agit plutôt d’une sorte de partenariat pour partager les vacances et les courses… Et ce n’est pas ce que je recherche ! Moi, je veux le grand amour, limite fusionnel, quand la séparation est un déchirement, quand on ne pense plus qu’à l’autre et quand la retrouver vous retourne le cœur ! C’est utopique, mais qu’importe… Si je n’ai pas cela, je préfère encore rester seule et avoir quelques aventures de temps à autre.

La dernière solution, et probablement celle que je vais retenir serait de commencer à voir Anastasia discrètement, d’attendre le mois d’octobre, et de rompre avec Chloé, en douceur. Facile à dire ! Quoi qu’il en soit, Anastasia ne peut pas rompre non plus pour l’instant à cause de son hypothèque, donc, autant commencer tranquillement cette histoire. A moins qu’il s’agisse d’une excuse totalement bidon… C’est vrai ! Si une personne en aime une autre, l’argent ne devrait pas être important… Cette pensée me hante le reste de la journée, mais me procure une chose essentielle, de l’inspiration pour mes toiles. J’en peins une d’un mètre sur un dans la journée. En même temps, il est peut être trop tôt pour parler d’amour ! Ce n’est peut être qu’une simple attraction physique après tout ! Seul l’avenir me le dira…

3

Je ressens à la fois une grande excitation et j’ai des palpitations ne serait ce que de penser à elle, mais je suis également partagée. Pourrais-je tromper Chloé ? Et si oui, arriverais-je à la regarder en face ? Je dors assez mal, pourtant seule chez moi, et je me lève relativement tôt par rapport à mes habitudes du weekend, ne pouvant détacher mes pensées d’elle… En fait, j’ai très envie d’elle, et j’ai des sensations étranges un peu partout rien que d’y penser. Je scrute sa carte sur laquelle elle a ajouté son numéro de portable à la main, et je saisis subitement mon téléphone pour l’appeler, puis me rétracte… Que vais-je lui dire ? Je prépare quelques phrases dans ma tête afin de ne pas perdre pied… Puis je me lance enfin…

– Bonjour, c’est Emma.
– Salut… Je pensais bien qu’il s’agissait de toi et pour tout te dire, j’espérais bien que tu m’appellerais, Estelle étant partie à l’hôpital pour la journée. Elle est de garde jusqu’à dix sept heure environ.

Sautant sur cette magnifique occasion, je lui propose immédiatement de nous voir pour prendre un verre par exemple… Ou autre me dis-je dans ma tête ! Quoi que ce serait tout de même fort rapide ! De plus, je fais ma maligne, mais franchement, je pense que je serais morte de trouille si cela devait arriver !

Contre toute attente, elle accepte et nous décidons de nous retrouver à Carouge, puisqu’elle y vit. Je prends donc une douche, m’épile tout de même… juste au cas où… me maquille et choisis les vêtements me mettant le plus en valeur. Il fait beau et chaud en ce mois de juillet, je mets donc  un haut très léger et très provocateur,  puis un pantacourt. Une paire de tongues, puis je me mets en route pour mon rendez vous

Elle est déjà là. Je l’ai repérée au loin alors qu’elle se trouve pourtant de l’autre côté de la place, mais je ne vois qu’elle, en train de consulter son smartphone, lorsqu’elle lève la tête dans ma direction. Elle m’offre le plus beau des sourires qu’il m’ait été donné de voir au cours de ma vie. Elle range rapidement son téléphone, puis se dirige vers moi. Je suis irrésistiblement attirée par elle. Nous nous embrassons sur la joue. Par deux bises mais juste une, très appuyée, presque sensuelle.

Nous décidons d’aller dans un salon de thé afin d’y déguster un gâteau, accompagné d’un thé. Nous nous regardons en silence alors que la serveuse nous tend deux cartes. J’en saisi une presque machinalement, tout à coup lui dis à quel point je la trouve belle, à quel point je trouve son regard magnifique et son sourire renversant. La serveuse est déjà à l’autre bout de la salle, heureusement !

Dans l’impossibilité de lire la carte, nos regards sont mêlés, bloqués, nous ne pouvons plus les détacher. Je repose la carte, et la serveuse, pensant que nous avions fait notre choix, se rapproche de la table afin de prendre la commande. Nous sourions et commandons deux thés noirs… De toute manière, je me fiche de ce que je vais boire… Je prends toutefois un éclair au café, n’ayant rien avalé ce matin, elle prend un sablé.

A peine la serveuse repartie, nous reprenons notre séance d’hypnotisme… Mon dieu, son regard m’envoûte totalement. Je suis conquise par sa beauté et sa grâce. Si seulement nous pouvions également être compatibles, avoir les mêmes attentes, les mêmes goûts, ce serait formidable. Nous nous détendons un peu et commençons à échanger sur divers sujets, et constatons que nous avons énormément de points en commun, dont celui, et non des moindre,  de n’avoir connu qu’une seule relation avec une fille. La mienne est un peu plus longue mais cela revient au même.

En fait, elle a fait ses études d’avocate à Genève, et y exerce depuis. Ensuite, elle a rencontré cette fille et s’est installée à Genève avec elle. Mis à part les études, j’ai le même parcourt. Elle m’avoue que pour elle, le niveau d’études est très important… Du moins il l’était lorsqu’elle s’était mise en couple il y a cinq ans, dit-elle en baissant les yeux tout en triturant dans tous les sens son paquet de sucre.

– Et plus maintenant ? Tu sais, je n’ai pas de bac plus sept…
– Je ne veux pas savoir ton niveau d’études… Tout ce que je sais pour l’instant me convient… Ta conversation est fort agréable et tu es drôle qui plus est… Contrairement à Estelle ! J’ai besoin d’autre chose… De partager des moments sympas, des bonnes tables, des rires, sans se prendre la tête ou n’avoir que des conversations hyper intellectuelles ! De plus, ton côté artiste m’intrigue énormément, pour ne pas dire autre chose…
– Tu veux dire que ça t’excite ? J’adore faire rire pour ma part… Voir un joli sourire se dessiner sur un visage, sur le tien par exemple… me ravit… Et j’adore ton rire aussi. Ceci dit, je ne sais pas comment je dois le prendre… Je peux aussi avoir des conversations sérieuses tu sais, même si je ne suis effectivement pas une intellectuelle !
– Je le sais bien, et surtout ne le prends pas mal… Je suis désolée si j’ai été maladroite, mais comme je t’ai dit, je n’ai aucune idée de ton niveau d’études, et je ne veux pas le connaître… Enfin, pas maintenant. Je te trouve vraiment intéressante et nous semblons être sur la même longueur d’ondes… J’imagine que tu pourrais facilement avoir un master.
– Non, j’ai une licence en histoire de l’art.
– Je m’en fiche… Dit-elle en mettant sa main sur la mienne. Tu es spirituelle, et tu me fais totalement craquer… C’est vraiment ce que je recherche… quelqu’un avec qui être en osmose. Puis, quelqu’un nous a dit que tu étais artiste. Cela m’a immédiatement intriguée. J’adore ton physique aussi. J’avoue que tu m’as plu à la première seconde… Les grandes brunes me font littéralement craquer. Quand j’ai vu tes yeux vers le buffet, j’ai cru vaciller…
– Et moi donc… Cachés derrière tes lunettes d’intello, je me demandais qu’elle était leur couleur… Je n’ai pas été déçue je dois dire… Tu es mon idéal figure toi. De la tête aux pieds. J’ai une attirance spéciale pour les blondes aux yeux clairs, fines, comme toi.

Nous terminons notre thé puis partons arpenter les rues Carougeoises, pas main dans la main, puisque nous ne sommes pas dans une ville suffisamment ouverte pour cela, mais ce n’est pas l’envie qui m’en manque. Elle s’accroche toutefois à mon bras, et je dois dire j’adore cela.

Tout en marchant, elle m’explique qu’elle n’a jamais vraiment voulu s’engager avec Estelle, s’étant rendu compte qu’elle ne serait pas la femme de sa vie, car elle ne souhaite pas d’enfant. Donc, lorsque son amie lui avait proposé le pacs deux ans auparavant, elle a trouvé une excellente excuse, celle des impôts… Cela me rappelle quelqu’un. Du coup, je me dis que Chloé ne m’aime pas réellement au fond d’elle, tout comme Anastasia n’aime pas Estelle. Il est temps que j’ai une explication radicale avec elle… Que j’ai une histoire avec Anastasia ou pas d’ailleurs ! Ensuite, elles ont acheté un appartement ensemble, mais une fois de plus, elle ne le sentait pas… Elle a fini par céder, exaspérée d’entendre toujours le même refrain ! Cependant, elle le regrette, surtout depuis hier soir… Whoa ! S’agit-il d’une déclaration ? A priori, oui, car elle ressent des choses étranges et surprenantes comme jamais auparavant. Qui plus est, elle a fait un rêve érotique avec moi… Cette pensée me met dans un tel état que je n’ose même pas la regarder. Je rebondis cependant sur sa remarque…

– Je vais avoir du mal à trouver le sommeil cette nuit avec ce que tu viens de me dire… En tout cas, j’ai fait plus que de faire des rêves en ce qui me concerne… Lui dis-je en rougissant… Mon dieu ! Pourquoi je lui ai-je dit cela… Elle va me prendre pour une obsédée…
– J’avoue que moi aussi… Comme j’étais seule dans la matinée…

Elle me sourit en me faisant cette confidence. Bien, il semblerait que nous soyons définitivement sur la même longueur d’ondes, même concernant ce vaste sujet qu’est le sexe ! Ouf ! Elle ne va pas partir en courant, je suis soulagée. Pour moi, le sexe est tout de même assez important, et pour elle aussi, me confirme-t-elle… Nous verrons à l’usage.

Tout à coup, je vois qu’elle baisse les yeux et soupire. Aie ! Aurais-je dis quelque chose de mal ? Non… Elle hésite un peu avant de me répondre, mais, sous mon insistance, elle parle. Il s’agit de son contrat pour l’appartement qui la perturbe. Elles ont fait une hypothèque sur le bien, qu’elles remboursent ensemble, le souci vient en fait du contrat lui même. J’aurais vraiment dû réfléchir avant de m’engager là dedans, me dit-elle… Son contrat stipule en effet qu’en cas de remboursement avant deux ans, elles auront une pénalité de cinquante mille francs Suisse… Incroyable ! Je ne comprends rien au système Suisse qui consiste à louer un bien à la banque, et qui ne permet jamais vraiment d’être propriétaire ! Il s’agit plus d’une location à la banque finalement. Personnellement, mon appartement sera remboursé dans dix ans environ, soit à quarante sept ans ! Bref… Le problème est qu’elle ne peut pas vraiment la quitter avant six mois. Ah… Celle là, je ne l’avais pas vu venir je dois dire… Elle me fixe en me demandant si je pense avoir cette patience… Bouleversée, je tente de reprendre la parole.

– Mais, tu veux dire qu’il ne se passera rien avant six mois ?
– Non… Dit-elle en riant… Je veux dire qu’il faudra être discrètes… Es-tu prête à faire cet effort ? Je ne peux pas me permettre de lâcher vingt cinq mille balles pour six mois, mais je comprendrais si tu m’envoyais sur les roses…
– Non, je pense pouvoir gérer, même si je pense que ce sera parfois très frustrant et difficile… Tu es certaine que tu ne peux pas solder tout ça ?
– Pour six mois ? En plus, je ne les ai pas, et je sais qu’elle fera tout pour me barrer la route. Elle est très forte et très manipulatrice dans son genre.
– Quoi qu’il en soit, ai-je le choix ! J’ai vraiment craqué sur toi… Donc, je patienterai.

Nous sommes maintenant assises sur un banc, un peu à l’écart. En lui disant cela, nos regards ont pris une telle intensité que nous nous approchons spontanément et nous embrassons, très discrètement, juste nos lèvres pressées, puis je descends vers son cou, et enfin je remonte pour lui faire face.  Après une longue minute front contre front, nous nous embrassons à pleine bouche, sur ce banc public, à Carouge… Mon dieu, quel baiser… Tous mes sens sont en alerte, je ne sais plus comment je m’appelle tellement c’était fort. Mon cœur bat la chamade, et il va s’extirper de ma poitrine si je ne me calme pas.

Tout à coup, son téléphone se met à nouveau à sonner, pour la troisième fois, ce qui a pour effet de me remettre immédiatement de mes émotions. Cette fois ci elle décroche et c’est son amie Estelle, qui la cherche et semble furieuse.  Mon dieu, il est déjà presque dix sept heure trente et nous n’avons pas vu le temps passer. Elle est déjà rentrée et l’attend dans leur appartement commun.

Nous nous quittons donc, à regret, en nous serrant dans les bras l’une de l’autre… j’en profite d’ailleurs pour lui donner à nouveau un baiser dans le cou. J’adore son parfum si délicat et sa peau si douce. Nous prenons rendez vous pour mardi, puisque son amie sera à nouveau de garde. Elle va prendre contact avec sa meilleure amie, Aurélie, afin qu’elle lui serve d’alibi, tout comme aujourd’hui. Je n’ai pas ce problème, comme nous avons deux appartements, inutile d’avoir un alibi pour tout, mais juste trouver des excuses crédibles, surtout pour les soirées.

2

Courant juillet, nous avons une soirée, à laquelle nous nous rendrons ensemble, prévue samedi prochain, dans le quartier des pâquis. Il y aura des hétéros des homos, couples et célibataires. Cela fait plusieurs semaines que nous ne sommes finalement par sorties ensemble. J’espère que tout se déroulera bien, mais ces derniers jours, chacune de nos rencontre était très tendue.

Nous y voici ! Samedi soir… Il fait chaud et je vais porter une tenue à la fois habillée, avec des talons, mais tout de même casual. Un léger maquillage pour faire ressortir mes yeux verts, nous voici parties pour cette soirée. Après avoir cherché une place de parking pendant environ une demi-heure, nous sommes déjà relativement tendues, et nous ne parlons pas dans l’ascenseur.

La réception a lieu dans un appartement, situé au dernier étage d’un immeuble qui en compte huit. Nous entrons dans une spacieuse pièce principale, décorée avec goût, très moderne et trèps épuré. Le couple qui reçoit a prévu un buffet, disposé sur une grande table autour se laquelle nous pouvons tourner. Des boissons alcoolisées ou non, des salades, des canapés et des chips composent ce buffet. Il flotte également dans l’air une odeur de pizza, ou de quiche… Peut être les deux !

Une fois n’est pas coutume, nous nous engueulons à peine arrivées dans l’appartement. Il y a déjà des invités, je calme donc le jeu et je scrute rapidement la salle afin se voir si je connais quelqu’un, ce qui me permettrait de m’éloigner, mais malheureusement, ce n’est pas le cas. Cependant, en balayant la pièce du regard, je repère directement une splendide blonde de l’autre côté. Certainement hétéro… Mais, tout à coup, je remarque qu’elle me regarde à son tour. Intéressant, et totalement mon genre. Je suis subjugée par sa beauté et son charme fou.

Nous jouons à ce petit jeu du « je te regarde et je tourne la tête quand tu me regardes » durant de longues minutes, échangeant même finalement quelques sourires malicieux. Puis, son amie, à priori, se met entre elle et moi tout en me jetant un regard noir. Ne la voyant finalement  plus, je décide de prendre le buffet d’assaut afin de grignoter quelques petites choses, puis de me servir un verre.

Que prendre ? Un peu de macédoine, qui a l’air d’être délicieuse, du pain pour accompagner, et un verre vin rouge. Tout à coup, je lève la tête et je suis à la limite de lâcher la bouteille… Toute occupée à me servir, je ne l’ai pas vu arriver. Cette magnifique blonde se trouve maintenant juste en face de moi, toujours ce sourire discret, mais si charmant, accroché à son visage !  J’en reste sans voix… Je suis totalement charmée, bouleversée par cet échange et je remarque de très beaux yeux gris bleus derrière ses lunettes bon chic bon genre, en écaille,  marron foncées. Un mot de sa part, et je plaque tout ! Elle me tend son verre tout en me demandant si je peux lui servir du vin, je m’exécute donc, un peu tremblante. Mais, encore une fois, sa copine, me foudroyant du regard, est déjà là et se met entre la table et elle. Elle semble énervée et le ton monte entre elles. Ne voulant pas d’histoire, je m’empresse de terminer de me servir et je pars avec mon assiette et mon verre, un peu déçue…

En fait, c’est étrange… Si elle est en couple, pourquoi me cherche t-elle comme cela ? Ce serait une bonne chose, uniquement si nous sommes sur la même longueur d’ondes, en couple, mais sur le déclin, nous pourrions commencer en douceur ! Il est vrai que nous commettrions un adultère, mais comme je ne connais pas cette situation, ce serait un bon test finalement avant de tout plaquer… Mon dieu, je vais un peu vite en besogne ! Peut être n’est elle pas du tout intéressée, même si j’en ai l’impression… Quand à son couple sur le déclin, je n’en sait fichtre rien, ce n’est qu’une supposition ! Il faut que j’arrête de me faire des films là !

Toutefois, nous continuons de nous toiser discrètement du regard, puis je décide d’aller sur la terrasse afin de voir si elle m’y rejoint. Ce sera finalement un bon moyen de savoir. Dix longues minutes plus tard, toujours adossée à la barrière du balcon, je me sens stupide… Pas de belle blonde à l’horizon ! Presque résignée, je commence à bouger pour rentrer, et voici qu’elle apparait dans l’embrasure de la porte fenêtre. Elle est belle, mince, plus petite que moi. Ses cheveux longs flottant dans le vent, elle avance lentement, mais surement vers moi… Elle me fait maintenant face. Je lui souris puis elle vient se placer à côté de moi et s’appuie sur la rambarde. Côtes à côtes, nous nous sourions sans oser ouvrir la bouche. Je n’ose pas mais je dois me lancer ! Je tente quelque chose…

– Je commençais à me dire que j’avais probablement rêvé, ou mal interprété les choses.

Tout en souriant, elle répond à ma phrase.

– Si tu fais allusion au fait que je suis totalement intriguée et que je trouve que tu as un charme fou, non, tu n’as pas rêvé…
– Whoa… ça a au moins le mérite d’être clair… Mais dis moi, ta copine ne va pas surgir de derrière un sapin ? Dis-je sur un ton sarcastique.

Elle se met à rire aux éclats puis me regarde intensément en me répondant qu’elle s’en fiche … Je me présente, elle aussi… Elle se prénomme Anastasia. Sa voix est belle et douce. Je n’ai qu’une chose en tête, la séduire, la prendre dans mes bras, l’embrasser. En fait, cela fait minimum trois choses en tête. Mon dieu… Je suis totalement charmée.

Tout se déroule bien, nous tournons le dos à l’appartement et faisons tranquillement connaissance en toute discrétion. Elle est juriste dans un cabinet d’avocats, vit en Suisse avec son amie, qui est médecin urgentiste, est en couple depuis presque cinq ans, mais est dans une impasse et sent que son couple est sur le déclin, tout comme le mien. Elle est franco suisse ce qui est une assez bonne nouvelle pour moi, ses parents habitant à Annecy, elle ne sera pas allergique à ma nationalité.

Je suis bien, j’ai l’impression de la connaitre depuis plus longtemps qu’une petite heure. Malheureusement, cette fois ci c’est mon amie, Chloé qui fait irruption dans notre échange. Elle se met à côté de moi, à ma droite. C’est étrange, c’est comme s’il y avait une sorte de transition, un passage relai entre l’ancienne et la nouvelle …

Elle veut déjà rentrer, mais je n’en ai pas la moindre envie, je lui propose donc qu’elle rentre de son côté en tram si elle est fatiguée. Elle cède et s’en va pas forcément ravie de me laisser avec la charmante Anastasia. Elle m’embrasse puis part, nous laissant seules en tête à tête, non sans avoir foudroyée du regard ma belle voisine. Anastasia et moi échangeons un long et très profond regard. Elle est très belle et me plait tant physiquement que mentalement, du moins, du peu que j’ai pu constater depuis le début de la soirée. Jamais je n’aurais espéré faire une telle rencontre dans une soirée chez un couple d’amis.

Elle me parle de mes toiles, se dit intéressée par l’art, j’en profite donc pour l’inviter à mon exposition qui a lieu dans deux semaines, une parfaite occasion pour nous revoir, lui dis-je…

Elle me donne également son numéro, avant que sa copine ne débarque à nouveau, une demi-heure seulement après le départ de Chloé, nous séparant une ultime fois ce soir. Elle la prend fermement par la taille, puis me toise de son regard le plus gacial qu’il m’ait été donné de recevoir. Je rentre finalement juste après, des rêves plein la tête et le sourire aux lèvre. 

J’ai envie de la revoir, il le faut… J’ai comme un préssentiment que c’est elle… Je ne peux pas me l’expliquer, mais j’ai une sensation étrange, un malaise et en même temps une plénitude. Mon malaise vient probablement du fait que je suis en couple, et ce bien être du fait que je suis plus qu’attirée par elle, que j’ai envie de la revoir, de l’appeler… Lorsqu’on tombe amoureux, on est comme sur un petit nuage, comme transporté ! Reste à savoir si c’est réciproque et si nous allons nous revoir.

1

Je me posais de plus en plus de questions sur ma relation avec Chloé… Ou allions nous ? Comment  lui parler, elle qui refuse systématiquement le dialogue… Il le faudra bien pourtant, car cela ne peut pas continuer de cette manière. D’ailleurs, ai-je vraiment envie que cela dure ? J’en suis arrivée à un tel point que mes sentiments sont mitigés sur ce sujet. Je pense que c’est la fin d’une aventure de plusieurs années.

Pour ma part, j’ai la nette impression que cette histoire est sur le déclin, depuis longtemps en fait, sauf que jusqu’à présent, je ne me posais pas autant de questions… Je m’en suis souvent posé, mais jamais à un tel niveau. Maintenant, j’entrevois clairement une rupture, et cela ne me fait plus peur. Il est vrai que dans un couple, le début est formidable, puis, ensuite, la routine s’installe, et finalement, ne reste plus que des compromis et une bonne entente. Dès le moment ou l’un des deux disparaît, cela devient très difficile.

Sauf que je ne veux pas la perdre, je veux dire en tant qu’amie ! C’est une certitude. Alors, comment faire ? Comment réussir une rupture et surtout, est ce vraiment la bonne solution ? Oui, nous avons des problèmes et de grosses divergences de points de vus, bien sur ! Sinon, tout irait pour le mieux me semble-t-il ! Mais, nous avons aussi des points en commun ! La rupture est-elle la solution, sachant que la passion ne dure jamais plus de deux ou trois ans ? Alors, pourquoi recommencer avec quelqu’un d’autre si c’est pour que dans trois ans j’en arrive au même point ?

Commençons par les divergences, qui me causent tant de tracas. Tout d’abord, le manque d’engagement, sa façon de systématiquement me rabaisser lorsqu’il s’agit de choses concernant l’électronique pour ne citer que cela. Le pire restant tout de même ce manque d’engagement.

Tout à commencé il y a trois ans, avec un refus de se pacser, alors qu’elle avait dit oui au départ. A cette époque, nous vivions dans le centre de Genève, vers le quartier des eaux vives, dans un très bel appartement, avec vue sur le lac. Ce refus a été difficile à digérer et a failli nous conduire à une rupture. Pourquoi ne le voulait-elle pas ? Impossible d’obtenir une réponse cohérente. L’excuse bidon des impôts n’a pas marché sur moi. Incohérent, pas convaincant. Nous partagions le loyer, et il était difficile de partir pour cette unique raison… De plus, ce serait vraiment baisser les bras trop vite.

Ensuite,  ce refus continue de s’engager en trouvant systématiquement des excuses afin de ne pas acheter un bien à deux, puis sa famille qui ne m’a jamais accepté. Difficile de se sentir rejetée de la sorte au bout de six années ! Les appartements n’étaient jamais assez bien, trop loin, en France voisine, dans la campagne, bref, toutes les excuses étaient bonnes afin de na pas franchir le pas.  Puis, les sorties… Elle sortait énormément de son côté, depuis le début de notre relation. Je l’ai toujours laissée faire, sinon, elle se sentait étouffée. Mais, parfois, c’était difficile, tout comme lorsqu’elle était invitée chez ses parents, toujours sans moi.

Finalement, j’ai fait mon deuil de toutes ces choses si importantes à mes yeux, en achetant un appartement, seule, suite à un héritage de mes grands parents, mais côté France, étant donnés les prix sur Genève. A noter qu’elle a fait de même à peine l’encre avait-elle fini de sécher sur mon contrat de réservation, à tel point qu’elle a signé chez le notaire avant moi… Je crois que c’est ce qui m’a choqué le plus de toutes les choses étranges de notre couple, après autant de refus de divers achats. Bref, une fois de plus, beaucoup des questions et aucune réponse claire de sa part. Je me suis également mise à sortir, surtout ces derniers temps.

Concernant les points en commun, c’est assez simple en fait… Nous ne voulons pas d’enfant, et nous aimons les voyages. Pas de quoi faire un couple, puisque les voyages, nous pourrions envisager de les faire sans être en couple finalement ! Et le bon côté de Chloé est qu’elle m’a toujours soutenu, même dans les périodes difficiles lorsque je ne vendais aucune toile et que j’étais entre deux jobs. Cela je ne pourrais jamais l’oublier, d’où le profond respect que j’éprouve à son égard, malgré ces problèmes de couple.

En ce moment, tout est sujet à tension, même en voyage alors que d’ordinaire tout se déroule bien dans ces moments là. Il faut dire que je vis pratiquement chez moi à temps plein depuis quelques mois, d’où ce regain de pensées sur mon couple. En effet, je travaille à temps partiel dans une galerie d’art, à Genève. Je ne fais que quelques heures par semaine, mais cela me suffit pour vivre et continuer à peindre, réussissant à vendre des toiles à côté. Mais, nous avons un rythme totalement différent, et je préfère rester chez moi, afin de me pas être dérangée le matin, et pouvoir récupérer lorsque je me couche tard. En ce moment, je prépare une exposition, et je suis en retard. Il me manque encore cinq toiles minimum afin d’avoir assez de matière. De plus, je sors énormément, et me couche tard.

Nous nous agressons verbalement assez souvent et pour ma part, je n’ai ni envie de tendresse avec elle ni d’aller chez elle. Je tiens bon pour les vacances qui approchent, mais je me demande bien ce qu’il pourrait arriver si je rencontrais quelqu’un. Pourrais-je tenir ? Devrais-je tenter ma chance ? De plus, peut-on encore parler de couple ? D’ailleurs, depuis longtemps, cette question revient souvent. J’ai même tenté de lui dire, mais sans succès, car pour elle, tout semble normal. Mais, non, un couple ne fait pas les choses à l’envers. Les gens se rencontrent, puis, après un laps de temps plus ou moins long selon les couples, ils se mettent en ménage, et essaient de construire quelque chose, notamment en achetant un bien immobilier ensemble, ou encore, en se mariant, ou en ayant des enfants, voire les trois. Je suis perdue et je ne sais plus quoi faire.

Quoi qu’il en soit, je dois avant tout penser à moi, me préserver. Je sors beaucoup de mon côté, elle du sien, parfois, ensemble. J’ai peur de craquer, d’aller voir ailleurs. J’ai failli mais je me suis dégonflée… Probablement aussi par respect pour elle. Je ne pense pas que je serais à l’aise dans un tel contexte.

 

 

Chapitre 10

 

Déjà la fin des vacances, et Quentin est retourné chez son père, furieux lorsqu’il a récupéré son fils, lui collant même une baffe très appuyée. Bien entendu, une fois n’est pas coutume, ils se sont engueulés dans le couloir de l’immeuble et insultés comme jamais depuis le début du conflit.

Le lendemain, Camille se lève du pied gauche après avoir passé une très mauvaise nuit, sans quasiment pouvoir fermer l’œil… Et là, Emma ajoute un peu plus de déprime à son état en lui parlant d’une soirée qu’elle a prévu samedi dans le milieu, notamment pour se souhaiter une bonne année entre amies, comme le veux la tradition.

–          Attends, tu parles du genre de bar dans lequel je t’avais suivi ?

–          Hum… Oui, c’est ça

Elle sourit en disant cela, Camille pas du tout…

–          Pas question

–          Mais, mes amies me réclament tu vois

–          Moi aussi je te réclame… Je n’ai pas du tout le moral, et toi tu veux me laisser tomber pour une soirée dans le milieu ? Tu vas te faire draguer… ou pire, draguer !

–          Merci pour ta confiance… Camille, laisse-moi un peu sortir… Je n’ai pratiquement plus vu ma meilleure amie depuis des semaines, sauf de temps à autre pour manger à midi

–          On pourrait y aller ensemble dans ce cas ?

–          Pourquoi pas, mais, je ne veux pas que tu te sentes obligée… Je sais qu’il ne s’agit pas du genre d’endroit que tu fréquentais auparavant…

–          Non, ça pourrait être drôle… Puis, tu seras là pour me protéger des butchs !

Elle sourit, se rappelant de son sauvetage de dernière minute lorsqu’elle l’avait suivi dans un bar. En fait, ce sera la première fois qu’elles sortiront ensemble dans le milieu. L’occasion pour Emma de la présenter à toutes ses amies et ainsi confirmer à tout le monde qu’elle est maintenant stable et en couple.

Le samedi, elles se préparent pour la fameuse soirée… Camille outrageusement maquillée, termine de se pomponner. Elle veut être séduisante pour Emma qui trouve sa tenue absolument renversante. En fait, elle est plus que ravie de pouvoir exhiber sa splendide blonde. Elle a un maquillage noir et gris foncé qui fait ressortir ses magnifiques yeux bleus, et elle porte notamment un jeans gris foncé, slim qui épouse parfaitement son corps parfait. De son côté, Emma va porter un jeans assez sexy, taille basse et serré, une paire bottes à talons et un haut rose assez ample pour contraster avec le slim, qui soulignent la longueur interminable de ses jambes. Un maquillage léger, un trois quart un peu chaud, car il fait vraiment froid dehors.

Elles partent pour la soirée. Elles mangent d’abord au restaurant le G, proche du bar,  en tête à tête, dans quartier de la Croix Rousse, afin de rejoindre les autres rapidement après le repas. Finalement, c’est une bonne chose qu’elles sortent ensemble ce soir, cela changera les idées de Camille, qui ne pense qu’au conflit avec son ex-mari. Elle est minée par toute cette sale histoire et cela commence à taper sur les nerfs d’Emma qui, bien qu’elle comprenne, la trouve vraiment très tendue.

Lorsqu’elles rentrent enfin dans le bar, toutes les filles se retournent sur ce couple incroyable. L’une est brune, l’autre blonde, elles sont belles, féminines, séduisantes, et suscitent immédiatement la curiosité. Emma était relativement connue, mais pas Camille, et l’on pouvait entendre des « whoa », des « pas mal » ou encore, des « c’est qui avec Emma ? » Elles s’approchent lentement de la table de ses amies. Emma fait les présentations, et Camille semble déjà dans son élément.

–          Voici mon amie Carole … Avec qui je partais en vacances, ici, c’est Isabelle, et, voici Sandra

–          Bonsoir, je suis ravie de vous rencontrer enfin, depuis le temps qu’elle me parle de vous

–          Nous aussi, même si nous t’avions aperçu une fois, dit Carole avec un petit sourire

Elles s’installent autour de la table, puis, Emma, un peu nerveuse, se relève pour commander à boire.

–          Oui, bien, je vais chercher à boire… Du vin rouge pour tout le monde ? Nous avons déjà bu du vin au restaurant, je ne veux pas faire de mélange. Si quelqu’un d’autre en prend, je commande direct une bouteille

–          Ah, oui pourquoi pas… Pour moi aussi, disent Carole et Camille à l’unisson

Camille commence à discuter avec les amies d’Emma et le courant semble rapidement passer. La bouteille de vin rouge, un bordeaux savamment choisi par Emma, arrive enfin, et les filles trinquent à la nouvelle venue.

Emma ne lâche pas Camille d’une semelle, et vice et versa… Camille la tient à l’œil dès qu’une ex petite amie ou autre prétendante s’approche. Elles se tiennent la main une bonne partie de la soirée, s’embrassent à faire rougir la plus dévergondée de la salle. Camille semble ravie et Emma est aux anges de la voir s’amuser de la sorte, pensant à la base qu’elle ne serait pas à l’aise.

Le groupe invité ce soir sur la petite scène se laisse écouter, mais Camille et Emma semblent plus occupées à s’embrasser et à se regarder dans le fonds des yeux. Juste après la fin du concert, elles décident de rentrer. Carole un peu déçue qu’elles partent déjà ne cache pas sa désapprobation, sans pour autant que cela ne change quoi que ce soit à la situation.

Elles rentrent assez vite, garent la voiture au garage, puis se jettent déjà l’une sur l’autre dans l’ascenseur, et commencent à déboutonner leurs vêtements. Emma a déjà les clés dans la main alors qu’elles se dirigent péniblement vers l’entrée. Elles entrent, claquent la porte, puis sèment des vêtements un peu partout jusqu’au salon, ne voulant même pas monter dans la chambre. Emma regarde Camille avec un air coquin… Il semblerait que cette soirée filles ait suscité une grande excitation chez elle, ce qui confirme probablement définitivement qu’elle soit bien lesbienne.

Elles aiment explorer de nouvelles choses, ou de nouvelles positions… nouvelles surtout pour Camille en fait. Cette fois ci, ce fut le cas, et le plaisir a été immense, car Camille, plus détendue, s’est vraiment lâchée. Pour Camille, tout cela est assez nouveau, puisque un an auparavant, jamais elle n’aurait même imaginé embrasser une fille, alors, explorer des positions improbables, jamais. Mais, elle adore cela et en redemande.

–          Espèce d’hétéro en mal découvertes, lui dit Emma

–          Mais oui, c’est ça, aller, viens on monte prendre une douche, et on continue d’explorer de nouvelles choses. Tu vas voir ce qu’elle va te faire l’hétéro !

La nuit fut très courte, et le réveil difficile, car elles étaient invitées chez les parents d’Emma, qui désiraient absolument rencontrer cette perle rare qui avait mis le grappin sur leur fille. Ils avaient toutefois quelques réticences, car ils savaient qu’elle avait été mariée, et qu’elle a un enfant.

–          T’es pas encore levée ? … Emma ? T’as vu l’heure ?

Camille déjà debout depuis un bon moment essaye de réveiller Emma, l’heure étant déjà bien avancée, mais elle entend juste un râle profond, grave et disgracieux sortir de la couette.

–          C’était quoi ça chérie ? Aller, hop ! On se lève ! T’es vraiment pas du matin toi… On va finir par être en retard ! Il est déjà dix heures

–          Quoi ?! Dix heures ? Tu veux ma mort ? Laisse-moi encore une heure

–          Aller, s’il te plaît ! J’ai préparé le ptit dej, et j’aimerais le prendre avec toi

Après un nouveau grognement de désapprobation, Emma finit enfin par se lever, puis descend enfin dans la cuisine afin de prendre un café qu’elle avale en regardant Camille. Les yeux plongés dans ses yeux, elle se dit qu’elle a une chance folle de l’avoir rencontrée. Mais Camille n’a pas digéré le fait qu’elle l’ait traitée d’hétéro en mal d’expériences, à nouveau. Elle lui pose donc ouvertement la question… En fait, Emma ayant peur que Camille retourne vers les hommes essaie probablement, et instinctivement se protéger, l’aimant comme une folle.

–          Pourquoi tu penses toujours cela !? Je n’ai jamais ressenti ça auparavant, et franchement, après la nuit que nous venons de passer, je ne comprends pas que tu doutes encore… Arrête d’essayer de te protéger et fais-moi pleinement confiance, je t’en prie ! J’ai quitté mon mari, et je vis chez toi. Je n’ai pas du tout envie de retourner vers les hommes, crois moi… Et enfin, arrête de me dire que je suis une hétéro en mal d’expérience. Si c’était le cas, on ne serait plus ensemble. Je te signale que nous allons manger chez tes parents… Je n’aurais pas envie de les rencontrer si tout ça n’était pas sérieux mon amour !

Emma visiblement émue, baisse ses yeux, brillants de larmes et promet de ne plus faire de remarques stupides, tout en lui baisant le dessus de la main. Après avoir avalé le déjeuner, elles se préparent, et au moment d’ouvrir la porte d’entrée, Camille fait un bon en arrière. Son ex mari est juste en face d’elle, sur le palier.

–          Mais, qu’est ce que tu fais ici ?

–          Bonjour… J’allais sonner en fait…

–          Qu’est ce que tu me veux ? Me dire que tu vas déménager à l’autre bout de la France et partir avec mon fils ? Ou m’annoncer que tu as encore fait reculer la date pour le tribunal ?

–          Je voulais juste te parler. Tu as un moment ?

–          Je ne sais pas, ça dépend… Nous étions sur le point de partir

–          En fait, j’ai bien réfléchi, ces derniers temps, et surtout cette nuit, après vous avoir vu rentrer hier soir

–          Pardon ?! Tu nous surveilles ?

–          Non, j’ai juste entendu du bruit, et du coup, j’ai regardé dans le judas, puis j’ai vu… J’ai compris

–          Compris quoi ?

–          Que ça ne sert à rien

Elle le regarde tout en ne comprenant rien à ce qui est entrain de se dérouler. Emma, derrière la porte ne bouge pas d’un centimètre et ne dit rien.

–          J’ai du mal à suivre David

–          Oui, désolé, j’ai très mal dormi, à vous voir dans ce couloir, ça m’a vraiment retourné

–          Je ne vois toujours pas ou tu veux en venir, et surtout, tout ça ne te regarde pas

–          En fait, j’ai compris que tout ça ne servait à rien. Je me sers de mon fils pour te récupérer, et maintenant, je sais que ça ne sert à rien. Tu es définitivement une lesbienne

–          Ça je le savais déjà, et je ne vois toujours pas où tu veux en venir. Donc ?

–          En fait, Quentin est malheureux et je ne veux plus qu’il souffre pour quelque chose qui n’arrivera pas. Quand je vous ai vu toutes les deux hier, je n’en revenais pas ! Tu n’as jamais eu cette… enfin… tu n’as jamais été autant… comment dire… entreprenante avec moi. Ça m’a fait un sacré choc

–          Bien, je suis ravie que tu comprennes, mais, qu’est ce que ça change ?

–          Je vais tout annuler et demander la garde partagée. Le fait qu’il se soit enfuit de chez mes parents, puis ce que j’ai vu hier… Je ne veux plus qu’il soit au milieu de cette bagarre

Camille visiblement très surprise par ce soudain revirement n’arrive pas à le croire.

–          T’es sérieux ?

–          Oui, si tu as du temps, on pourrait discuter de tout cela avec Quentin ?

–          La tout de suite, nous devons partir. Mais, aussitôt qu’on rentre, je viens… vers quinze ou seize heures, je présume

–          Dans ce cas, je t’attends chez moi, et on l’annoncera ensemble à notre fils

–          Je suis vraiment surprise et tellement heureuse ! Merci. A tout à l’heure…

Il repart dans son appartement, elle referme la porte et se retourne vers Emma, qui visiblement trouve ce revirement plus que louche.

–          Pourquoi ? Tu vois toujours le mal partout hein ?

–          Je dis ça, je dis rien…

–          Quoi ?

–          En fait, avec ton fils qui s’est barré de chez lui, loin, alors qu’il était sous sa garde, je pense qu’il a peur qu’on lui retire

–          Possible en effet … Ceci dit, je ne veux plus la guerre… pour Quentin

Dès leur retour, Camille passe chez son ex mari, puis annoncent ensemble que la garde sera désormais partagée, et qu’il pourra aller chez sa mère aussi souvent qu’il le souhaite.

Enfin soulagée de pouvoir retrouver son fils, Camille est heureuse… Une nouvelle vie commence pour elles, surtout pour Emma. Elles choisissent des meubles pour la chambre de Quentin, qui sera chez elles une semaine sur deux au minimum. Vont-elles réussir cette cohabitation ? Il y aura probablement quelques tensions, mais elles sont certaines d’une chose, l’amour donne des ailes et permet toujours de surmonter les obstacles.

Fin

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