Il faisait sombre comme dans un caveau, et alors qu’une douleur intense me saisissait la cheville droite, je reprenais doucement mes esprits. Bon sang, quelle chute ! Je me rendais tout à coup compte que Camille hurlait mon prénom. Mais que s’était-il passé ? J’avais l’impression que le ciel venait de me tomber sur la tête… Ah oui… Nous étions parties visiter une maison vers Menton afin de prendre des photos et des mesures pour de futures rénovations… Cette vieille bâtisse avait en effet vraiment besoin d’être remise en état, à commencer par les planchers. Architecte est finalement un métier à hauts risques ! Le regard dans le vide, j’ai rassuré mes compagnons de chantier, et surtout Camille.
– Je vais bien, j’ai juste très mal à la cheville, mais j’ai peur qu’il faille malheureusement faire un petit détour par l’hôpital…Si tu pouvais juste venir m’aider s’il te plaît ?
A peine cette phrase terminée, la belle Camille passait la tête par, probablement ce qui devait être l’embrasure d’une porte il y avait fort longtemps ! La pièce était toujours très sombre et la poussière engendrée dans le fracas de ma chute n’arrangeait rien. On n’y voyait goutte !
Camille était en fait ma cheffe et accessoirement, la fille du patron… Lorsque j’ai commencé à travailler dans ce cabinet d’architectes, six mois auparavant, jamais je ne me serais doutée une seule seconde tomber sur la femme de ma vie. Enfin, si l’on veut, car les choses n’étaient bien entendu pas si simples… D’ailleurs, existe-t-il des histoires de lesbiennes simples ? Je ne le crois pas. Pour situer, son père n’était pas au courant que sa fille chérie, mise sur un piédestal, était lesbienne. A pratiquement trente- quatre ans et une vie sociale riche, cela me paraissait absolument incroyable ! Il était donc encore moins au courant qu’elle se faisait une de ses employées… Cette situation commençait par ailleurs à me taper sur les nerfs, car même si au début je trouvais cela excitant, j’aurais bien aimé avoir une relation normale et saine avec elle. Je l’aimais, c’est certain, mais je ne pourrais pas supporter cela éternellement. Cependant, elle n’assumait pas totalement et surtout avait peur de décevoir son père si fière de sa fille. Comme si être lesbienne pouvait le faire changer d’avis sur elle ! Quoi qu’il semblait un peu homophobe, du moins, j’avais pu le constater à plusieurs reprises à cause de certaines remarques plus que douteuses par rapport au mariage pour tous.
En attendant, c’est bien moi qui en bavais dans cette relation… Faire attention à tout ce que je disais lorsque j’étais au bureau, ne pas trop prendre partie pour elle lorsque les autres parlaient d’elle… Exercice très difficile pour moi, étant éperdument amoureuse d’elle. Comme il s’agissait de la fille du patron, forcément les gens étaient un peu jaloux et se permettaient de dire certaines choses, du style « oui, c’est la fille du patron, donc elle fait comme elle veut et elle arrive quand elle veut » ! Bien sûr, c’était si facile de lancer ce genre de critique ! Mais ils ne savaient pas à quelle heure elle partait le soir, mais également qu’elle travaillait souvent chez elle sur des dossiers. Je le savais, mais je ne leur disais rien, car je ne le pouvais pas… Cependant, je bouillonnais à chaque fois que la conversation prenait cette direction.
Camille était arrivée à ma hauteur et me serrait dans ses bras, tout en me glissant discrètement au creux de l’oreille qu’elle venait d’avoir la peur de sa vie lorsqu’elle m’a vu disparaître dans le sol qui s’était dérobé sous moi. Alors que j’étais au paradis dans ses bras, d’un coup elle m’a repoussé un peu violemment, car son père venait d’entrer dans la pièce, tout affolé.
– Valentine, vous nous avez fait une belle peur ! Comment allez-vous ? Rien de cassé ?
– Non, ça devrait aller… Inutile d’appeler une ambulance, je pense cependant que ma cheville doit être foulée, ou que j’ai une entorse, je ne sais pas trop… Mais une radio s’impose, je pense !
Nous sommes donc tous partis pour l’hôpital dans la voiture de son père en laissant tout en plan ici, la visite et les premières mesures par encore terminées. Camille et moi étions à l’arrière alors qu’un autre employé était assis sur le siège passager et j’ai pu constater que le regard de son père était souvent dirigé sur nous lors du trajet, comme s’il soupçonnait quelque chose. A chaque feu, à chaque ralentissement, ses yeux insistants se trouvaient dans l’axe du rétroviseur intérieur. Il ne disait rien, il n’y avait pas de musique… Un silence assourdissant régnait dans le véhicule.
Nous étions enfin à l’hôpital tandis que la douleur s’était dramatiquement intensifiée depuis ma chute. La cheville était gonflée, à tel point que j’ai été obligée de retirer ma chaussure, malgré le fait qu’il s’agissait d’un nu-pied, car les lanières commençaient à me couper le sang. Camille a congédié son père pratiquement dès notre arrivée, prétextant qu’il n’était pas nécessaire que tout le monde reste et que nous nous arrangerions pour rentrer… Chez elle ! Mais cela, il ne le savait pas.
Après trois heures d’attente, de radios et de discussions avec le médecin urgentiste, enfin, j’étais libre ! J’avais une splendide entorse, dixit le médecin… Splendide ! Je t’en ficherais moi ! Devais-je donc encadrer la radio et la mettre sur la cheminée ? Nous avons pris un taxi et nous nous sommes finalement rendues ensemble chez moi, puisque j’avais un arrêt de travail d’une semaine, et en cas de contrôle je devais être présente. Elle a heureusement décidé de passer la soirée et surtout la nuit avec moi. J’adore lorsque nous passons la nuit ensemble, enlacées comme si nous ne faisions plus qu’une, j’écoute sa respiration, je la regarde s’endormir tendrement dans mes bras après que nous ayons fait l’amour, puis je la rejoins dans les bras de Morphée, épuisée mais tellement heureuse et détendue.
Nous avions préféré nous faire livrer le repas, n’ayant ni l’une ni l’autre envie de cuisiner, il faut dire qu’elle n’était pas ce que je pourrais appeler une femme d’intérieur, bien au contraire, mais, qu’importe, ce n’était pas pour cela que je l’aimais, ni pour son compte en banque, mais pour son humour, sa pertinence, son intelligence, sa façon de changer subtilement de sujet lorsque cela devient trop pénible pour elle, et bien entendu pour son physique. C’était par ailleurs la première chose qui m’avait séduite. Elle dégage quelque chose que je ne peux pas expliquer ni décrire, qui plus est, c’est très personnel et son charme fou ne va peut être pas fonctionner sur quelqu’un d’autre. Elle est légèrement plus petite que moi mais bien plus fine, chose que j’adore, sans pour autant être dépourvue de formes, ce que j’apprécie encore plus ! Ses cheveux longs bruns et raides, ses jolis yeux noisette me font littéralement craquer. Elle est aussi, tout comme moi, très féminine, critère primordial. Elle pourrait me demander n’importe quoi, je céderais. C’était d’ailleurs très surprenant, car jusqu’à présent jamais je ne m’étais sentie si vulnérable face à quelqu’un, et je n’aimais pas forcément cela, car pour moi, c’était une preuve de faiblesse, mais rien n’y faisait, j’étais à ses pieds. Heureusement, je crois qu’elle n’en jouait pas énormément et malgré tout, elle était également sous mon charme, ce qui rééquilibrait les choses, sinon, cela n’aurait pas été vivable pour moi.
Après une merveilleuse soirée suivie d’une non moins merveilleuse nuit, elle était partie travailler sans moi, me laissant à mon triste sort. Vivement que je sois sur pied ! M’étais-je dis tout en souhaitant en profiter pour me reposer, lire, et ne rien faire ! Parfois, c’est salutaire un petit break.
La semaine a défilé à la vitesse de l’éclair et en effet, rester un peu à la maison m’a fait le plus grand bien. Je me sentais fraiche et vaillante pour retourner au bureau. Camille a toutefois passé quelques nuits chez moi, sans pour autant m’envahir. Nous avions toutes les deux besoin de notre espace, et mon deux pièces sous combles, pas très grand, manque cruellement de rangements. La seule solution ultime pour nous serait de prendre un nouvel appartement ensemble, car nous avions trop nos habitudes dans nos logements respectifs. Idéalement, je nous verrais bien au centre ville d’Annecy, mais les prix sont exorbitants, qu’il s’agisse de location ou d’achat. Heureusement, comme nous sommes dans le métier, si un jour une belle opportunité s’offrait à nous, nous pourrions facilement la saisir. Encore faudrait-il que mademoiselle fasse son coming out auprès de ses parents. C’est tout de même fou et extrêmement frustrant de partager sa vie avec quelqu’un qui passe son temps à jouer un double jeu… Enfin, je me comprends, puisque nous ne partagions pas grand-chose, à part un lit assez fréquemment. Je m’en contentais, mais jusqu’à quand, je l’ignorais.
Cette première journée a été très fatigante et éprouvante pour ma cheville, à nouveau légèrement gonflée, malgré les béquilles et l’atèle, car j’avais toujours de la peine à poser le pied par terre. Durant cette interminable journée, Camille était d’ailleurs venue plusieurs fois dans le bureau afin de voir comment j’allais, très discrètement, comme à son habitude. Cependant, je la trouvais vraiment plus distante depuis quelques jours et à chaque fois que je lui parlais de nous et qu’elle le dise enfin à ses parents, elle bottait en touche, mais ces derniers temps avec plus d’agressivité. Elle semblait complètement bloquée par cela et j’avais peur que jamais elle ne fasse le pas. Comment se sortir de cette situation ? Je me sentais totalement impuissante et je voyais une issue négative pour moi, pour nous. Il n’y a pas de bonne formule au bonheur mais vivre cachées n’est pas une solution, malgré l’adage qui dit « pour vivre heureux, vivons cachés ». A force, c’est impossible et tellement frustrant. J’aurais tant aimé crier à quel point je l’aimais et que c’était elle la bonne.
Déjà la fin de la première semaine de reprise. Au bureau, Camille avait toujours eu une attitude différente qui me perturbait énormément, et je détestais cette facette d’elle, comme si le fait que tout le monde soit au courant s’apparenterait à la fin du monde. Sa façon de me parler, de se comporter, ne voulant tellement pas que cela se sache, elle devenait autoritaire et pratiquement imbuvable parfois. C’était fort désagréable, et dans ces moments-là, j’avoue que j’aurais voulu tout arrêter… Mais, je ne pouvais pas m’y résoudre, alors je subissais, en silence. Même mes collègues me disaient qu’elle me parlait mal, c’est dire ! Ce vendredi, elle était vraiment allée trop loin. J’ai donc décidé d’attendre la fin de la journée, que tout le monde soit parti pour aller m’expliquer avec elle. A peine dans son bureau, j’ai fermé la porte donc forcément, son attitude a changé, elle est devenue plus douce plus « Camille du weekend ou du soir ». Elle s’est approchée, m’a entouré le cou puis a posé délicatement ses lèvres sur les miennes. Un frisson m’a parcouru le corps et je l’ai serrée à mon tour. J’ai rapidement repris mes esprits, car ce n’était pas le but de cette petite intrusion. Un dialogue houleux s’en est suivi…
– Camille, tu as vu comme tu m’as parlé tout à l’heure ? Il faut vraiment te calmer ! Les collègues m’ont dit que tu me parlais comme à un chien…
– Mais, c’est pour que personne ne se doute, tu comprends ? M’a-t-elle dit en me regardant tendrement.
– Non, maintenant, j’en ai marre de cette situation ! T’as pas à me parler comme ça, c’est clair ? La prochaine fois que tu le fais, je te roule une pelle devant tout le monde, je te préviens.
– Mais, qu’est ce que tu me fais là ? A-t-elle rétorqué après avoir eu un mouvement de recul… Je t’avais bien dit avant qu’on démarre notre histoire que personne n’est au courant ici et que je veux rester discrète. Tout cela ne regarde personne.
– Oui, surtout ton père… Pourquoi tu fais un tel blocage ? Je ne comprends pas… Qu’est ce qui t’inquiète ? T’as peur qu’il te déshérite ou qu’il te vire ? Franchement, pour ma part j’en arrive à un point où la situation me pèse trop. Donc, soit on arrête là, soit tu mets les choses au point avec lui.
– C’est une menace ? Je te préviens, il est hors de question que je dise quoi que ce soit. Donc, parfait ! Si tu veux jouer à ce petit jeu, on arrête tout. Mais, il faudra que tu ailles bosser ailleurs, parce que ce sera impossible pour moi de te voir tous les jours sachant que c’est fini entre nous.
– Mais, Camille, c’est dingue ! T’es prête à foutre en l’air une relation qui est géniale sous certains aspects, juste pour que ton petit secret soit préservé ? Alors, tu ne m’aimes pas, c’est impossible…Tu me demandes en plus de démissionner ?
– C’est faux, je t’aime vraiment et je ne veux pas que tout s’arrête, mais je ne suis pas prête à faire le pas, désolée si tu ne le comprends pas, et pour moi, la discussion est close, d’autant que j’ai encore un dossier à terminer avant de rentrer chez moi… et seule ! J’ai pas envie que tu viennes ce soir.
Elle avait délibérément appuyé sur le « seule » afin que j’aie bien intégré que ce soir là, ce serait nada ! Logiquement, tous les weekends nous étions ensemble. Qu’à cela ne tienne, je suis partie en secouant la tête, sans même lui dire au revoir… Qu’est ce que l’on peut être stupide parfois… A peine arrivée chez moi, je n’ai pas pu m’empêcher de tourner en rond et de ressasser notre petite dispute. Si nous décisions d’arrêter de nous voir, je ne le supporterais pas, mais d’un autre côté, je me sentais incapable de continuer une relation qui n’avait pas de sens si l’on ne pouvait pas s’engager, et j’avais envie de le faire avec elle. Vivre à deux, que nous soyons fusionnelles et pourquoi pas acheter un appartement ensemble, voire idéalement se marier. J’aurais tant aimé… Une telle divergence de point de vue ne pouvait qu’aboutir à une rupture, à mon grand désespoir.
Devais-je lui téléphoner ? Devais-je attendre qu’elle m’appelle ? Je ne savais plus quoi faire. La sonnette qui a retenti à cet instant m’a enlevée à mes pensées existentielles. C’était elle… D’habitude, elle rentrait puisqu’elle avait mes clés, mais suite à cette dispute, elle n’avait pas osé. Nous nous sommes assises sur mon canapé, puis, enlacées et nous avons parlé de cette situation ubuesque. Elle ne voulait pas que son père soit au courant, car après avoir tellement attendu, elle ne savait plus comment aborder le sujet. Rien à faire… Le pire, c’est qu’il s’en doutait certainement, il était loin d’être stupide, et vue la manière avec laquelle il nous a regardées dans la voiture… Avec cet air suspicieux et un peu inquiet qu’un père peut avoir lorsqu’il s’agit de sa fille. De plus, il avait maintes fois essayé de la présenter à d’autres architectes, hommes bien entendu, du moins, c’est ce que je me suis laissé dire, car c’était avant mon arrivée… Il avait abandonné cela il y a plus d’un an à priori, ce qui pouvait laisser supposer qu’il savait. Tous ces non-dits étaient très mauvais.
Nous ne sommes pas arrivées à un compromis satisfaisant et avons donc décidé de faire une pause, à mon très grand désespoir. Nous étions en septembre, mais il pleuvait tellement abondamment que nous aurions pu être en novembre, ce qui ajoutait encore un peu plus de déprime à mon état. Désespérée, j’ai pleuré tout le reste du weekend, n’arrivant même pas à manger. Je n’avais qu’une envie, prendre ma voiture et la rejoindre chez elle. Elle vivait à la lisière d’Annecy et de Cran-Gevrier, alors que j’étais à l’opposé, sur les hauteurs d’Annecy-le-Vieux. Mais il ne fallait pas que j’y aille. Je devais tenir bon et peut être la faire plier. C’était bien à elle de faire un effort dans cette affaire, puisqu’elle voulait cacher la vérité aux yeux de certaines personnes. Franchement, vue la taille de cette ville, ce serait impossible de rester cachées.
J’ai tenu bon le reste du weekend, mais j’ai eu une appréhension en allant me coucher le dimanche soir… Demain, je serai au bureau, avec elle, mais sans elle… Comment tout cela allait finir ? D’autant plus que je n’avais absolument pas envie de changer d’entreprise… J’aimais travailler ici et nous avions plein de projets de rénovations intéressants en cours ou à venir. De plus, je n’étais ici que depuis un peu plus de six mois, période bien trop courte pour être crédible sur un CV. Il allait donc falloir cohabiter tout en restant distantes, d’autant que nous travaillions très souvent ensemble.
Comme d’habitude, j’étais au bureau avant elle, puisqu’en général, elle commençait vers neuf heures, alors que nous étions tous censés être ici vers huit heures et demie. Neuf heures cinq, la porte d’entrée a claqué… Certainement elle, un peu énervée de bon matin… Tout cela ne présageait rien de bon ! Elle a lancé un bonjour froid et rapide tout en passant dans le couloir. Un silence de plomb s’est installé dans le bureau, à tel point que nous aurions pu entendre voler une mouche. Nous étions quatre à le partager. Il y avait Carole, avec qui je m’étais toujours très bien entendue et à qui j’avais souvent eu envie de me confier, puis, Sébastien, clairement homo, et il ne s’en était jamais caché ! Nous nous entendions bien, et j’avais aussi envie de lui dire… Mais, je n’ai jamais osé à cause de Camille, bien entendu. Et enfin, il y avait Hervé, qui lui était un peu sur sa planète et avec lequel nous nous entendions moins.
Camille est arrivée dans le bureau une bonne heure après nous avoir à peine dit bonjour, avec toute une série de plans à rentrer dans le logiciel. Elle me les a tendus, car les autres étaient déjà sur des projets depuis la semaine dernière. Elle était livide et avait les yeux légèrement rouges et gonflés, certainement la raison pour laquelle elle portait ses lunettes, qui lui donnaient par ailleurs un air bon chic bon genre que j’appréciais énormément. Je l’ai trouvé tellement sexy que j’ai eu envie de balancer les plans, de la serrer dans mes bras et de l’embrasser. Mon dieu, j’étais définitivement amoureuse de cette fille. Cela deviendrait probablement une véritable torture de travailler avec elle tous les jours sans pouvoir l’approcher à nouveau.
Durant toute la semaine nous nous étions croisées, mais ignorées. Elle avait changé d’attitude et ne me parlait plus comme à une moins que rien, ce qui était plutôt agréable. Cependant, je me sentais désespérée, au bord du gouffre et j’avais finalement commencé à chercher du travail ailleurs, même si cette idée ne m’enchantait guère.
Deux semaines… Deux longues semaines sans l’approcher ou la toucher et sans quasiment lui parler. Une véritable torture. Je n’en pouvais plus… En plus, nous avions une réunion planifiée, toutes les deux, afin de parler du dossier en cours, et je craignais le pire… J’avais minutieusement tout revu, afin de ne pas perdre du temps et ainsi faire en sorte que la réunion soit écourtée, certaine qu’elle ne souhaiterait pas non plus tergiverser inutilement.
Nous y voilà ! Je me sentais mal… Mon cœur s’emballait à mesure que j’approchais de son bureau. J’ai frappé, puis je suis entrée. Elle était au téléphone mais m’a fait signe de m’asseoir autour de la table prévue pour les réunions. Sa conversation venait de se terminer et je sentais qu’elle s’approchait lentement. Tout en s’asseyant, elle a posé son ordinateur portable tout en prenant soin d’éviter mon regard, j’en ai fait de même… Son parfum a envahi mon espace et je me suis perdue dans mes pensées, nous revoyant faire l’amour… Ma poitrine s’est tout à coup serrée et je me suis sentie oppressée comme rarement. Nous avons commencé à discuter des plans pour lesquels rien n’était à redire puis avons continué sur la suite des événements. Tout cela a été extrêmement difficile, mais nous avons réussi enfin à terminer sans trop se regarder. D’un coup, je ne sais pas ce qui m’a pris, j’ai tout lancé sur la table, et je l’ai plaquée contre le mur… puis j’ai commencé à l’embrasser dans le cou, elle ne m’a pas repoussée, je suis ensuite remontée vers sa joue, elle ne m’a pas repoussée non plus, nos lèvres se sont frôlées délicatement, puis nous nous sommes embrassées à pleine bouche. Après quelques minutes d’échange intensif d’ADN, je me suis reculée ! Mais, qu’est -ce que je venais de faire ! Tout cela ne servait à rien, elle ne voudrait pas pour autant en parler à son père ! Qu’est-ce que je croyais… Que tout à coup elle allait me prendre par la main, traverser le bureau et aller annoncer nos fiançailles à son père ? C’était une cause perdue d’avance… Tout en reprenant mes esprits et mes affaires, j’ai pris congé d’elle en m’excusant et en regardant le sol. Mais, elle m’a retenue par la manche de mon chemisier.
– Attends, m’a-t-elle dit d’une voix fébrile… Tu me manques. Je ne sais pas si je vais tenir comme ça longtemps. Soit tu pars, soit on recommence.
– Comme avant ? Passer mon temps à mentir, non merci… Je tiens vraiment à toi Camille, mais j’avoue que je ne veux plus de cette situation, même si j’ai le cœur brisé en mille morceaux. Je préfère partir dans ce cas.
– Non, s’il te plaît ! Réfléchis à tout ça, avant de démissionner et de m’oublier… Je ne veux pas te perdre. Je t’en prie Valentine !
– Tu es prête à en parler à ton père ?
– Non… Ne me demande pas ça…
– Très bien, dans ce cas, je crois qu’on a fait le tour de la question… Comme je ne trouve pas de job et que cela risque de prendre du temps, tu n’auras qu’à me virer !
Je me suis à nouveau dirigée vers la porte, mais elle m’a barré le passage en me disant qu’il était hors de question qu’elle me vire ! Sous quel prétexte ? Je crois que ce n’était pas mon problème, et je me sentais tellement au fond du gouffre que cela m’était égal… Je voulais juste tirer un trait, tourner la page, et je ne voyais pas d’autre solution que celle-ci, m’éloigner à tout prix… Elle a commencé à hausser le ton, m’a pris mes affaires des mains et a reposé le tout sur la table. Elle s’est mise à crier, j’ai donc été obligée de crier aussi pour me faire entendre. Nous nous sommes retrouvées à quelques centimètres l’une de l’autre et la tension avait atteint son paroxysme. Elle m’a fixée tout en continuant de me crier dessus, en me disant que j’étais immature et que la situation était tout à fait normale, que tout allait parfaitement bien avant que je fasse une fixation sur tout cela… Je lui ai rétorqué que la seule personne immature dans cette pièce, c’était elle ! Ne pas oser dire à son papa à pratiquement trente-quatre ans que tu es lesbienne relève du ridicule ! N’ayant pas apprécié cette dernière remarque, elle s’est à nouveau mise à crier.
– Tu commences à me gonfler avec ça ! Arrête de me rabâcher que je dois le dire à mon père ! Ce ne sont pas tes affaires…
– Comment ? Pas mes affaires ? Si justement, dès l’instant où je suis avec toi, en couple, je crois que ça me regarde !
– Tu me gonfles…
– Tu l’as déjà dit
– T’as autant envie que moi…
– Plus encore…
Et à nouveau, l’une et l’autre nous avons foncé l’une sur l’autre et nous sommes embrassées comme des folles au milieu de la pièce…
Tout à coup, la porte s’est ouverte et le père de Camille est entré, à peine surpris, en disant à sa fille, « ah, enfin… Je me demandais quand tu allais te décider à m’en parler ma chérie ! Je vous laisse… »
Nous nous sommes regardées en silence puis avons pris un énorme fou rire tout en nous enlaçant !
Comme quoi, il était vraiment inutile de cacher la vérité, car les gens sont loin d’être stupides… Son père devait se douter de tout depuis bien longtemps, j’en étais persuadée, et j’en voulais pour preuve sa façon plus que suspicieuse de nous regarder dans la voiture lorsque nous étions allés à l’hôpital ! De plus, je pense qu’il n’attendait que cela… Que sa fille se confie, parle… Autant l’un que l’autre, ils avaient du mal à communiquer…
Parfois, il serait si simple de dire les choses…
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